SANTÉ NÉONATALE

Plus de recommandation systématique

Juste après leur naissance, les nouveau-nés québécois reçoivent une dose d’onguent, déposée sur leurs yeux. « Cet antibiotique est donné en prévention, car les yeux peuvent être infectés lors de l’accouchement », explique brièvement le guide Mieux vivre avec notre enfant de l’Institut national de santé publique (INSPQ), remis gratuitement aux nouveaux parents du Québec. L’accord de la mère n’est pas demandé – l’onguent est administré à tous les bébés, voilà tout.

Or, cet antibiotique sert à prévenir les conjonctivites chez les bébés dont les mères sont infectées par la gonorrhée ou la chlamydia sans le savoir. Cette prophylaxie (le fait de donner un médicament pour prévenir une maladie) « n’est peut-être plus utile et ne devrait donc pas être recommandée systématiquement », a statué récemment la Société canadienne de pédiatrie (SCP).

RARES CAS AUJOURD’HUI AU CANADA

C’est à la fin des années 1800 que le nitrate d’argent a commencé à être utilisé pour prévenir l’infection oculaire à Neisseria gonorrhoeae (la bactérie causant la gonorrhée), qui peut affecter de façon permanente la vue des nouveau-nés. C’était « un triomphe important de la médecine préventive, à une époque où il n’existait pas de traitement efficace contre la gonorrhée », indique le document de principes de la SCP.

Problème : les gouttes de nitrate d’argent causaient une « conjonctivite chimique transitoire chez 50 % à 90 % des nourrissons », rapporte la Société. Elles ont donc été remplacées par des onguents de tétracycline et d’érythromycine. Aujourd’hui, c’est ce dernier antibiotique qui est utilisé quotidiennement dans les salles d’accouchement du Canada.

Excellente nouvelle, les taux de conjonctivites néonatales causées par les bactéries responsables de la gonorrhée et de la chlamydia « ont considérablement diminué en Amérique du Nord », précise la Société. Au Canada, la moyenne nationale d’infections à chlamydia était de six cas sur 100 000 nourrissons de moins d’un an, entre 2000 et 2011, selon l’Agence de la santé publique du Canada. Celle d’infections par la gonorrhée ? De 0,5 cas sur 100 000. Merci à l’adoption du dépistage prénatal systématique et au traitement de ces infections pendant la grossesse…

Parallèlement, les souches de N. gonorrhoeae ont développé une résistance aux antibiotiques. En 2012, 30 % des souches isolées au Canada étaient résistantes à la tétracycline et 23 % à l’érythromycine.

Autres hics : l’application de ce médicament « peut provoquer une irritation oculaire bénigne » chez le bébé, voire nuire au lien mère-enfant, ce dernier ayant la vue brouillée par l’onguent, reconnaît la SCP.

CONTRE LA PRÉVENTION OBLIGATOIRE

Si on résume l’affaire, on voit que la conjonctivite gonococcique du nouveau-né est aujourd’hui rare au Canada. L’efficacité de l’érythromycine pour la prévenir « est douteuse », tranche la SCP. Quant à la conjonctivite causée par la chlamydia, cette prophylaxie ne la prévient pas avec efficacité.

Recommandation logique, la SCP conseille « la suppression des lois qui obligent la prophylaxie oculaire ». Parce que, oui, l’administration de cet antibiotique a force de loi au Québec, en Alberta, en Colombie-Britannique, à l’Île-du-Prince-Édouard et en Ontario.

« Parmi les moyens plus efficaces de prévenir la conjonctivite néonatale, soulignons le dépistage de la gonorrhée et de la chlamydia chez toutes les femmes enceintes et le traitement et le suivi de celles qui sont infectées », conseille la Société. Ce dépistage peut même se faire lors de l’accouchement, afin de pouvoir traiter adéquatement les mères et enfants qui en ont besoin. Et de laisser les autres se regarder les yeux dans les yeux.

COMMENT EST APPLIQUÉE L’ÉRYTHROMYCINE ?

« Avant l’administration, le praticien essuie doucement chaque paupière à l’aide d’un coton stérile afin d’en retirer les corps étrangers et de bien éverser la paupière inférieure, décrit la Société canadienne de pédiatrie. Il dépose une ligne d’onguent antibiotique, assez longue pour couvrir toute l’étendue de chacun des sacs conjonctivaux inférieurs, en s’assurant de tenir le bout du tube assez loin de l’œil ou de la paupière pour éviter une blessure. Il masse doucement les paupières fermées pour que l’onguent s’étende bien. Au bout d’une minute, il essuie l’excès d’onguent sur les paupières et la peau avoisinante à l’aide d’un coton stérile. »

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