Grippe aviaire en 2022

6,7 millions d’oiseaux d’élevage décimés

La pandémie historique de grippe aviaire qui frappe la planète a décimé 6 696 000 oiseaux d’élevage au Canada depuis un an, dont 532 000 au Québec, révèle le plus récent bilan de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA).

Les oiseaux « affectés » sont décédés des suites de la maladie ou ont été euthanasiés sur place pour freiner la propagation du virus au sein du cheptel ou dans les fermes et bâtiments avoisinants.

« Dans le passé, on a eu quelques éclosions d’influenza aviaire hautement pathogène, mais ça s’est souvent limité à quelques fermes et même à une seule province », explique la Dre Manon Racicot, vétérinaire épidémiologiste au sein de l’ACIA. « Qu’on ait 284 fermes infectées dans la dernière année, c’est majeur pour le Canada, ça n’a jamais été d’une telle ampleur », ajoute-t-elle.

D’une grande virulence, ce nouvel épisode d’influenza aviaire H5N1 a débuté en décembre 2021 lorsque le virus a été détecté chez un oiseau sauvage de Terre-Neuve. Il s’est depuis introduit au sein d’élevages dans toutes les provinces, sauf l’Île-du-Prince-Édouard. La Colombie-Britannique est l’endroit le plus durement touché.

Le tout premier cas décelé chez un oiseau d’élevage dans l’histoire du Québec est survenu en avril dernier. Depuis, 23 élevages commerciaux ou artisanaux ont subi une éclosion dans la province.

La grippe aviaire est une maladie à déclaration obligatoire. Lorsqu’un cas survient, l’élevage en entier doit être « dépeuplé » – ce qui signifie euthanasié – sous la supervision de l’ACIA.

Un « tapis blanc […], c’est la pire image que tu peux voir sur une ferme, il n’y a pas pire scénario que ça », explique le président des Éleveurs de volailles du Québec, Pierre-Luc Leblanc. Les agriculteurs frappés par une éclosion sont psychologiquement très ébranlés, dit-il. « Personne ne veut vivre ça, personne. »

En date du 4 janvier, 116 éclosions étaient toujours considérées comme étant actives au Canada, donc six au Québec. Selon l’ACIA, les espèces le plus fréquemment touchées sont les poulets, les dindes, les canards et les oies.

« Le feu est pogné »

Si les cas de grippe aviaire se sont propagés à une vitesse aussi fulgurante, c’est d’abord parce que le virus n’a jamais été aussi présent au sein des espèces sauvages, particulièrement chez les oiseaux migrateurs et aquatiques.

« On n’a jamais vu autant de contamination du côté des oiseaux sauvages, c’est vraiment exceptionnel. C’est du jamais-vu », explique la Dre Manon Racicot.

Directeur du Centre québécois sur la santé des animaux sauvages, le Dr Stéphane Lair abonde dans le même sens. « On n’a jamais vu quelque chose de cette ampleur-là au Québec », dit celui qui est aussi professeur de santé de la faune à la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.

« Ce qui est particulier de cette souche virale H5N1, c’est qu’elle semble vouloir perdurer dans le temps et elle a aussi affecté une très, très grande région géographique : essentiellement tout le Canada et les États-Unis. C’est même rendu en Amérique centrale et en Amérique du Sud. La problématique avec ça, c’est que comme c’est tellement vaste, il y a de bonnes chances que le virus va rester longtemps. Ce n’est pas juste un petit foyer, une espèce de feu de brousse qui va finir par mourir de lui-même. Le feu est pogné dans l’ensemble du continent », ajoute-t-il.

À quoi s’attendre en 2023 ?

Canards, oies, bernaches, bécasseaux, fous de Bassan, eiders à duvet, guillemots, petits pingouins, corneilles, corbeaux, harfangs des neiges, grands ducs, goélands : plusieurs dizaines d’espèces d’oiseaux sauvages ont été infectées.

L’un des vecteurs de propagation vers les élevages proviendrait des sécrétions ou des fientes des oiseaux sauvages qui se retrouveraient par inadvertance sur les équipements agricoles ou les semelles des travailleurs.

Lors de la prochaine période migratoire, au printemps, le virus recommencera à être davantage présent dans l’environnement.

« Je m’attends à ce que les oiseaux qui vont remonter [au nord] au printemps vont représenter la même menace de propagation que ce printemps de 2022 […], mais je dirais qu’on va être mieux préparés. Il y a eu beaucoup d’apprentissages », souligne l’agronome Martin Pelletier, directeur général de l’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles, cellule de coordination qui rassemble les différents maillons de l’industrie.

« Il n’y a rien de trop rassurant qui s’en vient pour nous à court terme. On est hyper inquiets, on est vraiment, vraiment hyper inquiets du futur. On se sent mieux outillés, par contre. »

– Pierre-Luc Leblanc, président des Éleveurs de volailles du Québec

MM. Pelletier et Leblanc estiment que les éleveurs sont de plus en plus sensibilisés à l’importance de mettre en place et de respecter un protocole rigoureux de biosécurité avant d’entrer dans les poulaillers.

Une fois dépeuplés, les élevages doivent faire l’objet d’une quarantaine. Au sein des grands élevages commerciaux, leur durée moyenne était d’environ 84 jours l’an dernier, souligne la Dre Racicot. Les fermes avoisinantes sont par ailleurs placées sous surveillance durant sensiblement la même période.

À ce jour, le gouvernement canadien a versé environ 63,4 millions de dollars pour indemniser les producteurs avicoles touchés par la crise.


EN SAVOIR PLUS

50 millions
Plus de 50 millions d’oiseaux ont été abattus dans les élevages infectés en Europe entre octobre 2021 et septembre 2022.

Source: Source : Agence France-Presse, décembre 2022

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