Planète bleue, idées vertes

Savoir planter des choux (à travers du carton)

Saint-Damien-de-Buckland — La coopérative Les Choux Gras réutilise des cartons d’emballage du constructeur d’autocars Prevost pour enrichir le sol de ses champs et protéger ses cultures des mauvaises herbes. Plus d’une tonne de carton a ainsi pu être valorisée et détournée du recyclage cette année. Et ce n’est qu’une des multiples matières résiduelles dont cette coop de la région de Bellechasse fait… ses choux gras.

« En agriculture conventionnelle comme en agriculture biologique, ils seraient contents d’avoir des choux comme ça », souligne le maraîcher Théo Germond Trudeau, en levant fièrement la toile verte qui abrite la parcelle de choux de la coop. « Ils vont être gros et il n’y a pas eu d’attaque d’insectes. Le rendement va être là. »

Les crucifères sont si rapprochées qu’on ne voit plus le sol recouvert de cartons, à travers lesquels elles ont été plantées.

« Le carton nous permet de planter plus serré vu qu’on n’a pas de désherbage à faire », explique M. Germond Trudeau. Le carton formant une barrière que les mauvaises herbes n’arrivent pas à transpercer, nul besoin de laisser de passage entre les rangs pour aller sarcler.

La surface cultivable est donc utilisée au maximum et le travail, réduit au minimum.

« On plante et on récolte », résume le maraîcher.

Quant au carton, il se décomposera sur place, enrichissant le sol en carbone. La coop en utilise aussi pour développer de nouvelles parcelles. Placé sous une bâche l’été et exposé aux intempéries l’hiver, le carton vient à bout du gazon, préparant le sol pour l’année suivante.

Entente avec Prevost Car

Jusqu’à l’an dernier, l’approvisionnement dépendait des membres, qui récupéraient des petites boîtes ici et là.

« C’était tellement apprécié ! Mais pour agrandir les jardins, c’était plus lent qu’avec le carton auquel on a eu accès cette année par Prevost Car », explique la directrice générale de la coop, Caroline Lévesque.

À l’usine Prevost de Sainte-Claire, à une vingtaine de minutes de là, les sièges destinés aux autocars et aux maisons motorisées arrivent protégés par de très grands cartons plats tout neufs.

« On s’est demandé s’il y avait une manière plus écologique d’en disposer. On a donc cherché dans la région comment ce pourrait être réutilisé, mieux valorisé qu’en l’envoyant je ne sais où comme recyclage », raconte Bernard Juneau, gérant d’usine et responsable du programme environnemental chez Prevost.

L’organisme Synergie Bellechasse-Etchemins l’a mis en contact avec Les Choux Gras.

« On veut faire de l’économie circulaire et on souhaite que nos matières résiduelles deviennent une matière première pour d’autres. J’aime bien mieux aider un petit organisme local qu’un gros recycleur. »

— Bernard Juneau, gérant d’usine et responsable du programme environnemental chez Prevost

Prevost doit en effet payer 242 $ par conteneur de papiers et cartons mélangés envoyé au recyclage. Les 1100 kg de carton donnés aux Choux Gras cette année ont donc permis de réduire la facture. « On aimerait bien qu’ils prennent tout notre carton, mais on en a trop », dit M. Juneau.

« Il y a plein de matériel et de matière qu’on pourrait réutiliser, mais le hic, c’est le transport : on n’a pas la capacité d’investir dans un camion pour être en mesure de tout transporter », explique Mme Lévesque.

La coop aimerait par exemple récupérer la matière résiduelle d’un des membres, qui produit des champignons dans des blocs de culture remplis de sciure et de céréales. Elle a incorporé un peu de ce mélange au sol de ses plants de tomates cultivés en serre, mais n’a pas pu aller en chercher davantage, faute de moyen de transport.

D’autres matières lui sont heureusement amenées, comme le gazon coupé dans les environs par la municipalité, dont une partie se retrouve au pied des plants de navets et de rabioles. L’entreprise d’émondage Arboriculture de Beauce lui a aussi livré des branches broyées en copeaux, que la coop utilise comme paillis. Et l’an passé, elle avait demandé à ses membres d’apporter des feuilles mortes pour les étendre dans les champs.

Tous ces résidus contribuent à « prendre soin de la terre », un principe central de la permaculture pratiquée par Les Choux Gras.

« Les gens ont tendance à “nettoyer” leur jardin et à laisser le sol exposé à nu pendant l’hiver parce que pour eux, c’est propre et prêt pour le printemps. Mais ça va à l’encontre de ce que la nature aimerait, parce que c’est comme une plaie ouverte », illustre Mme Lévesque.

Une seconde vie

Les matières résiduelles ne sont pas les seules à connaître une nouvelle vie ici.

Les 5,5 hectares que cultivent et développent Les Choux Gras étaient auparavant exploités par la congrégation Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours, dont on aperçoit l’ancien couvent en contrebas.

La vision de la coop, qui fait aussi de la formation et de la consultation en permaculture dans le sud de Bellechasse, a convaincu les sœurs de lui vendre leurs terres en 2018. Elles lui ont même fait un don de 40 000 $, pour contribuer à l’aménagement d’un parc nourricier dans un vaste champ en friche situé de l’autre côté du ruisseau.

Ce parc ouvert au public permettra de voir des exemples concrets de permaculture. Le projet, qui fera l’objet d’une campagne de sociofinancement le printemps prochain, accueillera notamment des arbres et arbustes fruitiers, des arbres à noix, des légumes vivaces comme des asperges et de l’oseille, des champignons et des plantes médicinales, mais aussi des bancs et des espaces artistiques.

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