Complètement glaçant
Imaginez les montagnes autour de Glasgow en plein mois de novembre. Ajoutez à cela un inspecteur morose qui vient d’apprendre que son cancer ne lui laisse plus que quelques mois à vivre. Et greffez à cette atmosphère glauque une panne généralisée, causée par des phénomènes extrêmes, parce qu’on est en 2051 et que les changements climatiques ont complètement déréglé la météo sur la planète. Tout cela sous la plume d’un grand virtuose qui compte parmi les auteurs britanniques les plus lus au monde.
Des romans d’anticipation, il en pleut parmi les nouveautés en littérature depuis quelque temps. Mais Tempête sur Kinlochleven est avant tout un polar ensorcelant qui nous happe au point de nous faire oublier à certains moments que l’époque a changé.
L’inspecteur Cameron Brodie doit enquêter sur la mort suspecte d’un journaliste qui a été retrouvé coincé dans la glace près du sommet de la montagne. Il n’est pas vieux, mais il a connu tellement de changements technologiques et sociaux au cours de son demi-siècle de vie qu’il se sent complètement dépassé. Veuf, il n’a pas reparlé à sa fille depuis 10 ans et cette enquête se trouve à être le prétexte idéal pour reprendre contact avec celle-ci, puisque c’est elle qui a découvert le corps du journaliste.
Sur quoi enquêtait celui-ci pour que quelqu’un ait voulu l’éliminer ? La réponse plonge dans l’enjeu de l’heure en cette ère « post-fossile » : l’approvisionnement en énergie.
Dans ce village de montagne quasi abandonné, où le seul hôtel à recevoir l’inspecteur Brodie et la médecin légiste qui l’accompagne semble tout droit sorti du film The Shining, on découvre comment notre monde pourrait se transformer – et on arrive à y croire.
C’est terrifiant, bourré de descriptions à glacer le sang qui nous immergent complètement dans l’isolement et la peur de cette tempête de pluie verglaçante qui frappe de plein fouet la région, coupant tous les moyens de communication permettant de joindre le poste de commandement de Glasgow. Et tout est basé sur des données concrètes, puisque l’auteur explique à la fin du livre avoir même consulté un intervenant du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) pour rendre son « scénario de changements climatiques » tout à fait crédible.
Alors si vous aimez les polars tout autant que les dystopies, vous raffolerez de ce savant mélange de roman noir et de suspense qui nous transporte complètement ailleurs.
Tempête sur Kinlochleven
Peter May (traduit par Ariane Bataille)
Le Rouergue
344 pages
8/10