Opinion

Les universités, ces influenceuses

Le dossier de La Presse sur les vrais influenceurs me remplit d’espoir.

Quand on pense influence de nos jours, c’est l’immense popularité de certains producteurs de contenu numérique qui nous vient immédiatement à l’esprit. Pour certains d’entre nous, dont le baby-boomer que je suis, cette forme d’influence socialement réseautée peut parfois sembler factice ou frivole. On en vient presque à oublier qu’il y a d’autres voies pour agir sur la course du monde. Or voilà qu’à la lecture du dossier de La Presse, on découvre non seulement qu’il existe un salut hors Instagram ou TikTok, mais qu’il y a dans notre société des influenceurs et influenceuses profondément animés par le bonheur des autres qui, par leur comportement, leurs discours et les valeurs qu’ils incarnent, créent des tendances. Des hommes et des femmes qui ouvrent des voies et nous orientent dans des directions auxquelles nous n’aurions pas pensé seuls et qui peuvent nous engager toutes et tous. Dans plein de domaines.

« Pour le bien commun »

Alors, fort du constat que l’influence peut se déployer pour le bien commun, je revendique pour les universités le titre de vraies influenceuses. Après tout, j’y ai passé une grande partie de ma vie, comme professeur et maintenant comme recteur. Et je suis convaincu que la société québécoise a besoin d’elles pour guider ses choix. Les universités regorgent d’expertises et de savoirs. La recherche universitaire offre des solutions et des pistes d’action. Les universités sont crédibles, éthiques. Elles soutiennent notre pouvoir d’imaginer les choses autrement, à l’appui de la science. Elles innovent, découvrent, créent. Elles dessinent les tendances avant même qu’elles ne naissent. Elles changent des vies, des conditions de vie aussi. Elles nous rassemblent autour de la connaissance et nous accompagnent dans notre quête ininterrompue de savoir, de justice et de mieux-être. Et les centaines de milliers de personnes qui y sont formées jouent un rôle capital dans tous les secteurs de notre société, ici comme ailleurs dans le monde.

Chaque année, l’Université de Montréal diplôme plus de 13 000 personnes. Des hommes et des femmes qui, une fois leur diplôme en main, feront pour la plupart carrière hors de l’arène universitaire.

Vous les verrez aux urgences de nos hôpitaux, dans les salles de cours de nos écoles, dans les laboratoires de pharmaceutiques de Laval, aux conférences internationales sur le climat, dans nos maisons d’édition, dans l’appareil d’État du Québec, dans l’orchestre de l’OSM et dans combien d’autres lieux et milieux socioprofessionnels qui font le tissu de notre corps social. C’est d’abord à travers ces personnes que l’Université de Montréal exerce depuis plus de 145 ans son influence la plus durable et la plus prégnante sur la société québécoise.

Pas uniquement québécoise, d’ailleurs. À l’Université de Montréal, nous avons pour objectif de devenir l’université de langue française la plus influente au monde, d’ici une décennie. Nous avons une petite idée de la manière d’atteindre cet objectif, qui est à portée de main. Mais, surprise : la recette se trouve aussi dans les nombreuses capsules qui expliquent à ceux et celles qui le souhaitent « comment devenir influenceur ».

« Notre avenir collectif »

D’abord, pas d’influence sans visibilité. L’influenceuse doit être présente partout. J’en déduis que l’université doit occuper encore plus d’espace dans la sphère publique. Que les membres de la communauté universitaire doivent être vus, reconnus, écoutés et entendus comme tels sur toutes les plateformes. Que la contribution des diplômés universitaires doit être mise en lumière pour son apport historique à l’avancement de nos institutions et projets collectifs. Que les chercheurs et chercheuses doivent contribuer aussi souvent que possible, de manière publique et transparente, à l’élucidation des problèmes auxquels est confrontée la société aujourd’hui. Que la tour d’ivoire doit être ouverte, accessible à qui veut y entrer. #universitépourtoutesettous

Ensuite, pas d’influence sans confiance. Les followers cherchent la crédibilité et l’expertise, les évaluent à chacune de leurs visites pour conserver le lien ou le rompre. L’université influenceuse acquiert de l’ascendant en créant du contenu dont l’intégrité est irréprochable, ce qui exige qu’elle affirme son autonomie, et préserve sa liberté d’examiner de manière critique, responsable et sans complaisance, tous les dogmes, toutes les opinions et les idées reçues. #libertéuniversitaire

Enfin, pas d’influence sans réactivité. Les influenceurs qui engrangent les « likes » écoutent leur communauté, dialoguent avec ceux et celles qui les suivent pour les connaître, et parfois mieux répondre à leurs besoins. La communication fonctionne dans les deux sens. Les followers se réclament de leur affiliation à la personne d’influence en même temps qu’ils nourrissent son pouvoir et sa notoriété. Le sentiment d’appartenance se déploie dans une délicate modulation des rapports individuels et collectifs. L’université influenceuse agit de même ! Elle doit se rendre accessible et inclusive, et peu à peu correspondre à une identité claire pour le plus grand nombre. #universitédemontréaletdumonde

L’heure est à la polarisation idéologique et à la fragmentation sociale, au repli. Nous avons de plus en plus de difficulté à construire des identités communes et de grands projets de société. Les universités d’influence demeurent l’un des rares points de ralliement et d’engagement dans la définition de notre avenir collectif. #j’aimemonuniversité

Lisez le dossier « Les 15 vrais influenceurs »

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