Écriture manuscrite

Le crayon plutôt que le clavier

Le 23 janvier dernier, les Américains ainsi que de nombreux amoureux de la plume à travers le monde ont célébré la journée… de l’écriture manuscrite. Est-ce encore pertinent, de troquer le clavier pour le crayon ? Absolument, car pour apprendre, rien ne vaut l’écriture à la main, soutiennent plusieurs experts.

Chez les enfants, plus particulièrement, coucher des idées sur du papier a un impact direct sur la qualité de l’écriture, évidemment, mais aussi sur les performances en lecture. « Le fait d’écrire à la main permet aux enfants de consolider davantage les apprentissages », explique Caroline Huard, ergothérapeute.

Comment ? « Quand l’enfant effectue des gestes séquentiels avec les doigts, il va activer la zone cérébrale responsable du langage et de la mémoire de travail », explique la spécialiste. Elle donne l’exemple concret d’un adulte qui a un mot sur le bout de la langue : « Quand ça vous arrive, regardez ce que vous faites. Vous allez bouger votre main dans tous les sens, pour activer la zone langagière et retrouver ce mot. »

Les mouvements et le langage sont donc intimement liés. « On mémorise beaucoup par l’écriture », explique pour sa part Isabelle Montésinos-Gelet, docteure en psychologie et professeure au département de didactique de l’Université de Montréal.

« Évidemment, on mémorise aussi en utilisant un clavier. Seulement, l’écriture à la main implique des gestes beaucoup plus complexes que lorsqu’on utilise un clavier. »

— Isabelle Montésinos-Gelet, docteure en psychologie

Résultat : les informations s’imprègnent mieux dans notre cerveau grâce au mouvement complexe de l’écriture à la main. « Lorsqu’on écrit de manière manuscrite, nos gestes sont nombreux, complexes et différents d’une lettre à l’autre. Si bien qu’on a démontré que les enfants qui apprennent à écrire de manière manuscrite vont bien mieux retenir les lettres que ceux qui ont appris au clavier. Parce que leur mémoire motrice les aide à les reconnaître. »

BIEN ÉCRIRE, UN DÉFI

Utiliser l’écriture comme moyen d’apprentissage au quotidien a des avantages incontestables, mais encore faut-il que l’enfant maîtrise le geste. Caroline Huard vient en aide à plusieurs enfants qui éprouvent des difficultés à tenir un crayon et à bien former les lettres.

Sans être en mesure d’évaluer si un nombre croissant d’enfants éprouvent des problèmes avec le bon vieux crayon, l’ergothérapeute explique qu’aussi étrange que cela puisse paraître, ces difficultés vont parfois de pair avec un besoin… de bouger.

« On va demander à des enfants de faire des gestes fins avec les doigts, mais ils n’ont pas conscience de leur corps, de leurs doigts. »

— Caroline Huard, ergothérapeute

« On veut qu’ils jouent dehors, qu’ils fassent des exercices où ils vont développer leur force, leur tonus, leur posture… parce que dans le développement de l’enfant, tout part du tronc vers les épaules et vers les doigts, éventuellement », dit Mme Huard.

Par la suite, à l’école, il importe de multiplier les occasions d’écrire, dès le plus jeune âge. Simplement parce que tant qu’un enfant a maille à partir avec le geste d’écrire, il a du mal à se concentrer sur ses idées et l’orthographe. Un frein, donc, à un apprentissage optimal.

« Un enfant qui ne développe pas son automatisation en écriture va toujours devoir consacrer beaucoup d’énergie à gérer cet aspect uniquement. C’est la raison pour laquelle c’est si important. Heureusement, les enseignants en sont de plus en plus conscients », ajoute Isabelle Montésinos-Gelet.

LA FAUTE DES TABLETTES ?

Comment motiver un enfant qui se montre réfractaire à l’écriture à la main ? Une étude publiée récemment par des chercheurs de l’Université du Texas a révélé que des enfants qui écrivaient régulièrement à un proche, de façon ludique, étaient plus motivés par l’écriture et la lecture, et tissaient évidemment des liens privilégiés avec leur correspondant.

Cette approche ludique plaît à Caroline Huard : « On dit aux enfants que c’est important de bien écrire, mais les enfants n’ont bien souvent jamais vu leurs parents écrire. Les adultes autour d’eux textent, ou font leur liste d’épicerie avec un iPad, alors ils ne comprennent pas vraiment à quoi ça sert d’écrire. C’est comme jouer d’un instrument de musique qu’on n’entend plus vraiment, que tous les membres de la famille ont appris lorsqu’ils étaient jeunes, mais dont ils ne se servent plus. L’enfant va se dire : “Ça sert à quoi ?” Ça demande beaucoup d’énergie, apprendre à écrire : il faut vraiment avoir une bonne raison pour le faire. »

Et les tablettes, dans tout cela ? Faut-il les reléguer aux oubliettes et mettre l’accent sur le papier et les crayons ? Elles sont à utiliser avec modération, ajoute Mme Huard, mais si on y tient, plusieurs applications peuvent être utiles dans l’apprentissage de l’écriture. « On peut utiliser des applications de dessin, avec un stylet de préférence. Ça peut être intéressant d’intégrer la technologie dans la vie de nos enfants, si ça ne prend pas toute la place ! »

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