Fallait chercher (un peu) plus loin

L’avocat de Laith Marouf, ce consultant montréalais embauché par Ottawa pour enseigner l’antiracisme aux radiodiffuseurs canadiens, a insisté auprès de La Presse Canadienne pour qu’on cite les tweets de son client dans leur intégralité. Alors allons-y.

Celui-ci, d’abord, pour donner le ton : « J’ai une devise : la vie est trop courte pour les lacets ou pour divertir les suprémacistes blancs juifs avec autre chose qu’une balle dans la tête. »

Celui-là, ensuite, n’est pas mal non plus : « Vous connaissez toutes ces grandes gueules pleines de merde humaine, ces suprématistes blancs juifs ; lorsque nous libérerons la Palestine et qu’ils devront retourner d’où ils viennent, ils redeviendront des salopes chuchotant à leurs maîtres suprémacistes blancs/séculiers. »

J’espère que l’avocat de Laith Marouf me pardonnera d’avoir traduit les tweets. Quelques subtilités se sont peut-être perdues dans la traduction. Mais il faut ce qu’il faut : notre doux combattant antihaine, établi à Montréal depuis plus de 20 ans, déteste le français. Il « haït » ça pour tuer.

La preuve, ce tweet rageur écrit en décembre dernier : « J’ai une réponse gutturale de dégoût quand j’entends du français, car personne n’a massacré plus d’Arabes qu’eux. Aujourd’hui, alors que nous nous baignions dans la mer Morte, cette bande de touristes français a volé nos serviettes et s’est éloignée comme si c’étaient les terres d’Algérie ou de Syrie, et j’ai failli tuer quelqu’un. »

À propos des Québécois francophones, il écrit : « LOL, je pense que les Frogs ont un QI beaucoup moins élevé que 77, et le français est une langue affreuse. »

À propos des Américains, il n’est guère plus tendre. En juillet, il a publié une photo de lui faisant un doigt d’honneur à la statue d’Abraham Lincoln, à Washington. « Au Lincoln Memorial, lui disant ce que je pense de sa colonie de merde », a-t-il écrit en guise d’explication.

Laith Marouf a pris un autre selfie au Mémorial des vétérans de la guerre du Viêtnam, sur lequel sont inscrits les noms de 58 000 Américains morts dans ce conflit. Le majeur bien dressé, encore une fois. « J’aimerais que [le Mémorial] soit beaucoup plus grand », a-t-il pesté.

Il y a des dizaines de tweets comme ça. Hargneux. Violents. Pour parler en termes modernes, disons qu’on n’est pas dans le registre de la microagression.

Pas sûre si l’avocat de M. Marouf était bien avisé de demander aux médias de citer les tweets complets. Pas sûre que ça contribue à adoucir l’image de son client. Il faut pourtant le faire, selon l’avocat, pour montrer que l’homme fait la distinction entre les « suprémacistes blancs juifs » et les juifs en général.

Mais en réalité, Laith Marouf s’en balance, de cette distinction. Il l’a écrit dans un tweet : « Il y a longtemps que j’ai arrêté de partager les travaux de juifs blancs, même s’ils sont antisionistes/anti-impérialistes, car cela réaffirme la suprématie blanche juive dans leurs têtes et dans celles des peuples colonisés. »

Autrement dit, selon Laith Marouf, si vous êtes blanc et juif, vous êtes forcément suprémaciste, peut-être refoulé, mais suprémaciste quand même, quelque part, dans votre tête…

Tête qui mérite « une balle », rappelons-le.

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Lundi, le ministre fédéral de la Diversité et de l’Inclusion, Ahmed Hussen, a coupé les vivres à Laith Marouf et à son organisme, Community Media Advocacy Centre (CMAC). Le projet d’éducation des radiodiffuseurs est suspendu jusqu’à nouvel ordre. C’est bien la moindre des choses.

Maintenant, la question se pose : comment Ottawa a-t-il pu retenir les services d’un homme aussi ouvertement raciste pour donner des leçons d’antiracisme aux médias ?

Comment le ministère du Patrimoine canadien a-t-il pu accorder 133 800 $ à un militant dénoncé depuis longtemps par des regroupements juifs du Canada ?

Comment a-t-il pu juger qu’un homme qui se présente comme un journaliste sur son site web, mais qui collabore avec des médias de propagande comme Sputnik (Russie) et Press TV (Iran), avait une quelconque crédibilité ?

S’il avait un peu cherché, le Ministère aurait découvert que Laith Marouf a été suspendu de Twitter à l’été 2021 en raison de ses propos haineux, avant de réapparaître sous un autre compte, privé. Les captures d’écran de ses tweets circulent toutefois abondamment sur le réseau social.

S’il avait poussé sa recherche plus loin, le Ministère aurait appris que Laith Marouf avait été expulsé de l’Université Concordia, en 2001, après avoir été surpris – deux fois ! – à peindre des slogans anti-israéliens sur les murs de l’université. Il n’y avait pas eu d’accusation criminelle, parce que l’étudiant jouissait de l’immunité diplomatique : son père travaillait pour un organisme international.

Eh oui, c’est cet homme-là qui se fait un business de dénoncer les privilèges des autres.

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Laith Marouf avait reçu le mandat d’organiser des consultations sur le racisme des médias dans six villes canadiennes. La première s’est tenue le 30 avril, à l’UQAM. Il a commencé en disant qu’il reconnaissait être sur les terres non cédées des Inuits, des Métis et des Premières Nations. Il a enchaîné en précisant utiliser le terme « racialisé » pour identifier les communautés noires, autochtones et de couleur au Canada qui font l’expérience de « la dominance blanche et du colonialisme ».

C’est le genre de propos qu’Ottawa cherche, j’imagine, chez un consultant antiraciste. Laith Marouf avait les bons mots. Il cochait les bonnes cases. Sauf une.

Fallait juste chercher un peu, un tout petit peu plus loin.

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