Chronique

La saga Bain, en neuf observations

1

Voici un homme qui est allé rôder autour du Métropolis pour faire du repérage avant le soir fatidique, qui est arrivé au Métropolis tard le 4 septembre 2012 armé d’un lourd arsenal et qui a admis après les faits s’être présenté à la soirée de victoire du Parti québécois pour tuer le plus de souverainistes possible…

Tout, dans les gestes et dans les mots de Bain, montrait une préméditation.

Et Bain est reconnu coupable de meurtre non prémédité, pas de meurtre prémédité ?

Étonnant.

2

La loi canadienne est ainsi faite : les délibérations d’un jury sont secrètes. Aux États-Unis, une fois le procès terminé, les jurés sont libres de parler.

La décision ahurissante des jurés, au terme de 11 jours de délibérations marqués par un schisme, ne sera donc jamais expliquée.

Question : est-ce que la justice est bien servie quand un jury tranche sans l’ombre d’une explication, ne serait-ce que sommaire ?

Ici, non.

3

Au terme du premier procès de Guy Turcotte pour le meurtre de ses deux enfants, un jury a décrété que le cardiologue n’était pas criminellement responsable de ses actes (il a été reconnu coupable au terme d’un deuxième procès)…

A suivi une vague d’indignation publique et la naissance d’une légende urbaine : suffit de se dire en proie à une crise de folie pour être déclaré non criminellement responsable d’avoir tué quelqu’un. Nombre d’experts ont démenti cette légende urbaine, qui a la couenne dure.

L’avocat de Bain a plaidé la non-responsabilité criminelle. Le jury n’a pas retenu cette défense, une autre preuve que, non, ça ne « marche » pas toujours.

4

Bain recevra sa peine le 6 septembre, quatre ans et deux jours après l’attaque du Métropolis, qui a coûté la vie à Denis Blanchette et bousillé celle de Dave Courage.

Il est inacceptable qu’un procès prenne quatre ans à accoucher : c’est injuste pour les victimes, c’est injuste pour les familles des victimes et c’est même injuste pour les accusés.

On dira que Bain a multiplié les singeries en cours de route, et c’est vrai. Reste que les procès criminels au Québec sont à l’image de celui de Bain : inutilement longs.

5

L’arme de Richard Henry Bain s’est enrayée providentiellement et c’est ce qui a permis aux policiers de l’appréhender avant qu’il ne tue – comme il l’a confessé après son arrestation – le plus de souverainistes possible.

N’oublions pas que c’est la chance qui a permis d’éviter un massacre, le soir du 4 septembre 2012.

6

N’oublions pas un autre fait : la Sûreté du Québec a agi comme une police amateur, ce soir-là.

Jamais, jamais, jamais Richard Henry Bain n’aurait dû agir avec autant d’impunité, de sa voiture à son entrée dans le Métropolis, pendant le discours de Pauline Marois.

Jamais, jamais, jamais la porte arrière du Métropolis n’aurait dû être laissée sans la surveillance de policiers armés.

L’attaque du Métropolis est un échec de la SQ.

7

Mais personne à la SQ n’a été blâmé pour cette débâcle.

L’enquête interne est restée secrète, dans la plus pure tradition d’opacité du gouvernement québécois.

Pensez seulement que la directrice du Secret Service américain a dû démissionner après une série de ratés entourant la protection du président Obama, il y a deux ans.

Elle avait dû s’expliquer au Congrès, pour ces ratés.

Aucune transparence, aucune responsabilité de ce type pour la SQ.

Ahurissant.

8

Richard Henry Bain est-il un terroriste ?

Plusieurs militants souverainistes ont pesté contre les médias, qui ne l’ont généralement pas identifié comme tel. Personnellement, je considère que Bain est davantage dans la lignée d’assassins motivés par des considérations politiques, dans la lignée de l’assassin qui a tué le sénateur et candidat à la présidence américaine Robert F. Kennedy : la politique était bel et bien au cœur de ses motivations, une haine des souverainistes désinhibée.

9

Le 6 septembre, les plaidoiries sur la peine auront lieu. Bain risque de 10 à 25 ans de prison avant d’être admissible à une libération conditionnelle.

Bain n’a jamais eu un mot de regret à l’égard de ses victimes, un mépris bien incarné par ce sourire baveux qu’il affichait quand sa victime a témoigné, à la mi-juin…

Et c’est à ce sourire que je pense, quand je dis à Bain, dans sa langue maternelle : 

May you rot in jail for a long, long time.

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