Lettre aux milliardaires

Si vous êtes milliardaire, vous portez l’un des titres les plus prestigieux qui soient dans le monde des affaires. Mais pour le monde entier, vous représentez un important problème parce qu’il s’agit d’une répartition injuste, inefficace et dangereuse des ressources de la Terre que d’allouer des milliers de milliards de dollars à une poignée d’individus alors qu’un milliard de personnes doivent survivre avec moins de 2 $ par jour.

Si vous êtes un milliardaire qui ne paie pas sa juste part d’impôts, c’est pire encore. À cause de vous, nous reculons de plusieurs siècles, à une époque antérieure à la Révolution française alors qu’il était légal pour les seigneurs de ne pas payer d’impôts. Nous retournons également à la période précédant le Boston Tea Party, où les colons américains, en colère contre l’Angleterre, refusaient une « imposition sans représentation politique ». En fait, la situation est probablement plus effrayante aujourd’hui parce que plusieurs d’entre vous commandent directement ou indirectement le pouvoir politique, ce qui fait en sorte que vous profitez d’une « super-représentation politique sans imposition ».

Nous sommes même à risque de retourner à l’ère de l’esclavage parce que dans nos régimes, où les pouvoirs doivent être équilibrés entre les individus, les marchés et l’État, si une poignée de milliardaires ne paient pas leur juste part d’impôts et profitent d’une super-représentation politique, quel rôle revient à la population en général qui ne dispose pas d’une telle emprise et doit supporter le manque à gagner résultant de pareille iniquité ?

Finalement, si vous êtes un milliardaire qui ne paie pas sa juste part d’impôts, que la multinationale que vous avez fondée ne le fait pas non plus et que vous prétendez être un grand philanthrope à la tête d’une fondation soi-disant charitable, financée grâce à l’argent des contribuables, c’est pire que tout.

Vous et vos semblables êtes des parasites pour les finances publiques et des hypocrites qui se présentent comme des bienfaiteurs alors qu’en réalité, c’est le peuple qui fait votre bien.

Ne devriez-vous pas en avoir honte ?

Quand je pense que vous contraignez les gens à travailler pour des salaires cent et parfois deux cent mille fois moins élevés que la richesse que vous accumulez avec vos multinationales, que vous payez souvent moins d’impôts qu’eux et que, ensuite, vous les obligez à quémander auprès de vos fondations supposément charitables pour réussir à survivre.

Quand je pense que durant les trois premiers mois de la pandémie, alors que les gens mouraient sans que l’on connaisse le virus qui nous frappait et qu’on ne disposait encore d’aucun vaccin, les plus riches d’entre vous faisaient des sorties sur la place publique pour annoncer combien vous étiez heureux de faire votre part pour aider alors qu’en réalité, vous donniez un gros 0,1 % de votre richesse.

Quand je pense que vous êtes les pires pollueurs avec vos jets privés, vos voyages spatiaux et votre consommation éhontée. Cette planète, c’est notre maison à nous aussi.

À l’aube de l’année 2023, je souhaite de tout cœur que nos politiciens trouvent rapidement le courage de réformer ces régimes qui vous autorisent à accumuler ce surplus de richesse et à échapper à la juste part d’impôts. Les besoins sont pressants et le changement ne peut plus attendre.

Au bout du compte, nous allons tous fermer les livres de la vie dépouillés de nos biens. Tous ces milliards en valent-ils vraiment la peine ? Descendez de vos tours d’ivoire et rejoignez-nous sur le chantier de construction de ce nouveau monde plus juste et capable de relever les défis du XXIe siècle.

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