Les Canadiens sont-ils déjà désintéressés du conflit ukrainien ?

Au début de la guerre en Ukraine, peu avaient su prédire l’ampleur qu’allait prendre ce conflit. Les récents développements donnent pourtant raison aux plus pessimistes.

Loin de se résoudre, la situation empire de jour en jour et, contrairement à ce que nous ferait croire une couverture médiatique périclitante, le pire semble encore à venir.

Selon un discours prononcé par Vladimir Poutine à l’occasion du Jour de la Victoire, célébré lundi dernier, la Russie ne reculera devant rien pour « protéger » ses intérêts. Alors que les victimes s’accroissent, sommes-nous prêts à maintenir notre engagement envers celles-ci pour les années à venir ?

Une vision tordue

Distordant les faits à son avantage, le président russe n’a pas hésité à prêter mille et une intentions belliqueuses à l’Occident et à l’OTAN dans son allocution du 9 mai. Martelant le besoin de défendre la « mère patrie », il a énoncé nombre de conjonctures erronées, allant de l’arme nucléaire que le gouvernement ukrainien serait en voie d’obtenir à une machination de l’OTAN contre la Russie.

Bien que Poutine ait souvent eu recours à une certaine « victimisation » dans ses discours pour faire appel au patriotisme de la population russe et ainsi justifier ses politiques les plus drastiques, les conséquences de ce type de rhétorique sont cette fois plus que catastrophiques, surtout pour la population ukrainienne, qui dénombre déjà des milliers de morts et près de six millions de réfugiés.

Des chiffres qui n’iront qu’en empirant puisque la vision du monde mise de l’avant par Vladimir Poutine dans son discours semble irréconciliable avec une désescalade des tensions.

Vers une loi martiale ?

À peine 24 heures après les célébrations du Jour de la Victoire, les services du renseignement américains dévoilaient l’avènement de plusieurs incidents armés en Transnistrie, une région de la Moldavie.

Ces incidents seraient révélateurs d’un élargissement du conflit avec la Russie. Alors que la guerre en Ukraine semble déjà avoir épuisé les ressources du Kremlin, quels seront les moyens mis en place par Moscou pour entretenir un autre front militaire ? La loi martiale sera-t-elle évoquée, comme le présagent certains experts ?

Si cela était le cas, cela forcerait le Kremlin à reconnaître qu’il est officiellement en guerre. Même si la guerre est évidente à nos yeux, il faut rappeler que la Russie maintient depuis le début qu’il s’agit plutôt d’une « opération spéciale » pour « dénazifier » l’Ukraine. Cet ajustement langagier apparaît mineur, mais il serait en réalité très significatif puisque dénotant un changement de perspective important s’accompagnant d’un accroissement important des ressources disponibles à l’État pour soutenir cette guerre pour plusieurs mois à venir.

Sommes-nous réellement prêts à une telle guerre ?

Le Kremlin, les services secrets américains et la Chambre des représentants des États-Unis, qui a voté le 10 mai une aide de 40 milliards de dollars supplémentaires à l’Ukraine, semblent tous vraisemblablement prêts à l’intensification du conflit. Mais qu’en est-il de nous ?

Est-ce que les populations occidentales sont prêtes à accorder leur attention à ce conflit et à soutenir les décisions de leurs gouvernements pour venir en aide à ce pays pour encore plusieurs mois ? Si la guerre en Ukraine bénéficie encore d’une couverture médiatique assez conséquente, ce conflit, qu’on prévoyait de courte durée, nécessitera beaucoup plus que le changement temporaire d’une photo de profil Facebook.

Les médias doivent donc maintenir leur mission d’informer et s’assurer de couvrir les horreurs de cette guerre pour que nous maintenions un soutien qui est à la hauteur des besoins des populations victimes. Parce que le désintérêt mène presque toujours au désengagement.

* Sara Germain est également responsable aux communications et réseaux sociaux de l’Institut d’études internationales de Montréal et étudiante à la maîtrise à l’UQAM.

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