Accord de paix

Entre espoir et scepticisme

À certaines conditions, une rencontre au sommet entre Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky semble de plus en plus plausible, selon les négociateurs russes et ukrainiens, qui étaient réunis en Turquie mardi. Malgré l’avancement annoncé des pourparlers, la possibilité d’une désescalade en Ukraine laisse les États-Unis, le Royaume-Uni et bon nombre d’experts sceptiques, alors que les bombardements se poursuivent.

Guerre en Ukraine

« Il y a ce que dit la Russie et ce que fait la Russie »

Une possible désescalade en Ukraine laisse les États-Unis et des experts sceptiques, malgré des pourparlers jugés « significatifs » mardi par le Kremlin. La Russie dit en effet vouloir réduire « radicalement » son activité militaire, notamment dans la capitale. Mais peut-on y croire ?

« Il a été décidé, pour accroître la confiance, de réduire radicalement l’activité militaire en direction de Kyiv et Tchernihiv. » Ce sont les mots du vice-ministre russe de la Défense, Alexandre Fomine, pour qui les négociations sur un accord de neutralité de l’Ukraine entrent « dans une dimension pratique ».

Vladimir Medinski, chef de la délégation russe, a assuré que les propositions ukrainiennes allaient être « étudiées très prochainement et soumises » à Vladimir Poutine. « À condition d’un travail rapide sur l’accord, et de trouver les compromis nécessaires, la possibilité de conclure la paix se rapprochera », a ajouté M. Medinski, affirmant aussi qu’une rencontre entre Poutine et le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, « sera possible lorsqu’il y aura un accord ».

L’Ukraine, elle, n’acceptera un accord qu’à condition d’obtenir un « accord international » pour garantir sa sécurité, dont seraient garants plusieurs pays comme les États-Unis, le Canada, la Chine, la France et le Royaume-Uni, mais aussi possiblement la Turquie, l’Allemagne, la Pologne et Israël. Le négociateur en chef, David Arakhamia, a jugé que les conditions étaient « suffisantes » pour une rencontre au sommet. Le président Zelensky a toutefois prévenu que la levée des sanctions contre la Russie « ne peut être envisagée qu’une fois la guerre terminée ». Parlant de signaux « positifs », il a toutefois rappelé que « la situation n’est pas devenue plus facile, l’ampleur des défis n’a pas diminué, et que l’armée russe a toujours un potentiel important pour poursuivre les attaques ».

L’état-major ukrainien s’est montré encore plus sceptique face à la désescalade, mardi soir. « Le soi-disant “retrait des troupes” est probablement une rotation d’unités individuelles qui vise à tromper le commandement militaire des Forces armées ukrainiennes », a-t-on jugé dans un communiqué.

Aux États-Unis, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, affirme qu’il n’est pas persuadé du « réel sérieux » de la Russie. « Il y a ce que dit la Russie et ce que fait la Russie. Nous nous concentrons sur ce qu’elle fait », a-t-il soulevé, laissant entendre que les Ukrainiens négociaient avec un pistolet « sur leurs têtes ». « On verra s’ils tiennent parole. Il semble y avoir un consensus sur le fait qu’il faut voir ce qu’ils ont à offrir », a aussi indiqué le président Joe Biden, à sa sortie d’un appel avec de nombreux dirigeants européens.

À Vancouver, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a estimé mardi que la fin des hostilités passait nécessairement par un « retrait complet des troupes russes » d’Ukraine, plaidant pour « la paix, la démocratie, la liberté et la souveraineté restaurées ».

Signe d’espoir, mais…

Pour Justin Massie, codirecteur du Réseau d’analyse stratégique (RAS) et professeur de science politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), cette avancée dans les négociations « ne veut rien dire à court terme ». « La Russie ne va pas pour autant cesser ses opérations militaires. Ça n’enlève rien non plus à la poursuite des bombardements à Marioupol et dans le Donbass, où Poutine veut gagner le plus de terrain possible », observe-t-il.

Mais à plus long terme, « nous pouvons être plus optimistes », affirme l’expert. « Que les deux parties conviennent d’être proches d’un accord, qu’elles veulent aller vers un compromis, ça donne espoir. Mais c’est quand il y aura une date fixée pour une rencontre qu’il y aura encore plus d’espoir. On n’organise pas une telle réunion au sommet sans signature. Le coût politique est trop grand », dit M. Massie.

« Un cessez-le-feu, ça peut toujours être violé dans le futur. La Russie pourrait bien profiter de la fin des opérations militaires pour se préparer à une nouvelle agression », nuance aussi le professeur. « Cela dit, si on invoque l’article 5 de l’OTAN, ça impliquerait que si la Russie attaque à nouveau, des pays comme la France et les États-Unis pourraient entrer en guerre. Ça, c’est de la dissuasion. Et ça changerait la donne. »

« Il y a une impasse dans l’intervention militaire russe, mais mon instinct me dit qu’il faudra attendre encore un peu. Les Russes vont entre autres vouloir prendre entièrement Marioupol. »

— Justin Massie, codirecteur du RAS

Continuer d’armer ou pas ?

Au Royaume-Uni, un porte-parole du premier ministre Boris Johnson a fait valoir mardi que Londres ne jugerait pas le régime de Vladimir Poutine sur « ses paroles », mais sur « ses actes ». Des sources ont indiqué qu’une conférence de presse sera organisée jeudi afin de mobiliser plus d’armes létales en Ukraine.

Mais armer davantage l’Ukraine dans le contexte « revient à essayer de casser la table », craint Ekaterina Piskunova, spécialiste de la politique étrangère russe à l’Université de Montréal. « Parler d’armement, je ne pense pas que ça renforce le potentiel de négociation. Au contraire, c’est contre-productif », soutient-elle.

« Les négociations vont vraiment se jouer sur le délai de la neutralité de l’Ukraine. C’est un pas vers le cessez-le-feu. Ça devrait pouvoir se faire à court terme, puisque c’est dans l’intérêt de tout le monde, mais il faut faire une distinction avec un accord de règlement, qui pourrait demander beaucoup plus de temps », analyse la spécialiste. Elle rappelle que le but avoué de Poutine demeure « de couper l’Ukraine de l’accès à la mer Noire », d’où les bombardements à Marioupol et Odessa.

Signe d’un optimisme mitigé s’il en est un, la Roumanie, qui partage une frontière avec l’Ukraine, compte distribuer la semaine prochaine des comprimés d’iode à sa population, afin de la « préparer » à un potentiel incident nucléaire. « Nous ne pouvons pas exclure totalement ce risque. On sait qu’en cas d’accident, on n’a pas le temps de distribuer les pilules », a dit mardi le ministre de la Santé, Alexandru Rafila.

— Avec l’Agence France-Presse

Une Ukraine « neutre », qu’est-ce que ça veut dire ?

La question de la neutralité de l’Ukraine est à l’avant-plan des négociations avec la Russie en vue d’un potentiel accord de paix. Explications.

Plus une menace

Élément clé des négociations : le fait que la Russie veut que l’Ukraine soit neutre. Ce que ça veut dire ? Explicitement, Moscou ne veut pas qu’il y ait de bases militaires étrangères ni de troupes militaires étrangères sur le territoire de l’Ukraine. « Jusqu’à tout récemment, il y avait des militaires canadiens, américains et britanniques en Ukraine. Donc ça ne serait plus permis », dit Justin Massie, professeur au département de science politique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Une autre exigence est que l’Ukraine ne se joigne pas à une alliance militaire. « Là, il y a une petite contradiction, car si l’Ukraine devait rejoindre l’Union européenne, il y a un article qui engage la défense mutuelle. Donc ça peut être vu comme une alliance. » La question du sort de la Crimée et de la région russophone du Donbass reste à élucider, mais la Russie peut tenter de « sauver la face » en signant rapidement des accords. « Comme ça, Poutine pourrait dire aux Russes qu’il a fait des gains, et que l’Ukraine ne sera plus une menace à la sécurité. »

Suède et Autriche

La Russie a donné l’exemple de la Suède et de l’Autriche dans les négociations pour indiquer comment elle entrevoit la neutralité ukrainienne. Christian Leuprecht, professeur agrégé de sciences politiques au Collège militaire royal du Canada et à l’Université Queen’s, note que l’Autriche et la Suède sont des pays neutres, en ce sens qu’ils ne font pas partie de l’OTAN. « Mais ils font partie de l’Union européenne, donc ils bénéficient d’une assurance d’être supportés en cas d’attaque, et l’Ukraine va vouloir une protection analogue », dit-il.

Garanties de sécurité

De son côté, le gouvernement ukrainien s’est dit prêt à renoncer à sa demande d’adhérer à l’OTAN – à condition qu’il obtienne des garanties de sécurité qui pourraient agir comme une police d’assurance contre de futures invasions russes. « Ces garanties de sécurité ne viendraient pas de l’OTAN en tant qu’organisation, mais bien de pays membres de l’OTAN, qui pourraient s’engager sur une base bilatérale à assurer le respect de l’accord de pays ou du cessez-le-feu, et éventuellement protéger l’Ukraine en cas de violation de l’accord », dit Justin Massie. L’Ukraine obtiendrait donc indirectement ce qu’elle ne peut obtenir directement. Mais est-ce que des pays comme la France, les États-Unis ou le Canada vont accepter d’offrir ces garanties ? « Les Ukrainiens veulent que les pays tiennent un vote dans leur Parlement respectif pour assurer la protection, ils ne veulent pas que ça soit seulement un décret », dit M. Massie.

Échec de A à Z

Le résultat du premier mois de la guerre est clair : les Russes ont échoué de A à Z, note Christian Leuprecht. « Le renversement du pouvoir à Kyiv a échoué, démilitariser l’Ukraine a échoué, diviser l’OTAN et les États-Unis a échoué, réduire le pouvoir militaire et l’influence des Américains en Europe a échoué… » Son constat : en négociant avec l’Ukraine, Poutine veut peut-être réduire ses pertes. « Il peut continuer le conflit, aucun doute là-dessus. Sauf que ça devient très coûteux sur le plan militaire, politique et économique. Et même dans une autocratie, la guerre, ce n’est jamais populaire. »

Parole d’honneur ?

La signature de Vladimir Poutine sur un bout de papier appelé « accords de paix » ou « cessez-le-feu » vaudrait-elle quelque chose ? « Personnellement, je ne ferais jamais confiance à la Russie, qui utilise la violence pour conquérir les pays voisins depuis le XVsiècle, dit Christian Leuprecht. Est-ce que les démarches actuelles sont une ruse pour gagner du temps ? C’est un risque. Comment on s’assure que la Russie ne recommencera pas l’attaque dans six mois ? C’est la question. »

Démocratie plus forte

Neutralité ou non, ce qui dérangeait le Kremlin n’a jamais été l’éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, soulève M. Leuprecht. « Ce qui dérange Poutine, c’est la démocratisation de l’Ukraine, et la menace que cette démocratisation pose pour le régime du Kremlin. Poutine a une paranoïa des révolutions. Il est obsédé par Kadhafi et par la démocratisation de l’Ukraine. Tout ça est une menace pour lui, et je ne vois pas comment ça va s’en aller. Non seulement l’Ukraine va rester une démocratie après ce conflit, elle sera une démocratie encore plus forte, plus proche de l’Occident, qui l’aidera à financer sa reconstruction. C’est pour cette raison que je crois qu’une éventuelle sortie de conflit ne réglera rien aux yeux de Poutine. »

100 000

Nombre de soldats américains sur le sol européen. Ils étaient 68 000 avant l’invasion russe de l’Ukraine, en février.

Source : Christian Leuprecht, professeur agrégé de sciences politiques au Collège militaire royal du Canada et à l’Université Queen’s

DÉCRYPTAGE

Pourquoi cette fureur à Marioupol, ville martyre ?

L’homme qui accueille les journalistes devant une barricade, près de l’Université de Marioupol, qui abrite le quartier général des séparatistes prorusses, s’appelle Andreï Borisov. Il est armé d’un AK-47 et d’un lance-grenades, et se présente comme le « commissaire militaire de la République populaire de Donetsk ».

Nous sommes à la veille de l’élection présidentielle ukrainienne de mai 2014. La situation à Marioupol, deuxième ville en importance de la province de Donetsk, est instable.

Deux semaines plus tôt, une manifestation commémorant la fin de la Seconde Guerre mondiale s’y est terminée dans le sang. Des paramilitaires prorusses ont été forcés de quitter le poste de police dont ils avaient pris le contrôle pour se replier sur l’université.

C’est alors que l’oligarque Rinat Akhmetov, l’homme le plus riche de l’Ukraine, qui possède deux aciéries dans la région, a décidé de peser de tout son poids pour empêcher Marioupol de rompre avec l’Ukraine.

Ses employés ont été libérés pour patrouiller dans les rues de Marioupol aux côtés des policiers locaux. Leur but : prévenir la violence. Mais surtout, empêcher Marioupol de suivre l’exemple des deux autres grandes villes du Donbass, Donetsk et Louhansk, qui venaient de couper leurs liens avec Kyiv.

Rinat Akhmetov gagnera son pari. Marioupol, ville portuaire bordant la mer d’Azov, ne basculera pas dans le camp séparatiste. Et le « commissaire politique » Andreï Borisov sera tué dans un attentat, trois semaines après notre rencontre…

Champ de ruines

Huit ans plus tard, cinq semaines de frappes impitoyables ont transformé cette vibrante cité balnéaire en un champ de ruines. Au moins 5000 de ses 430 000 habitants ont été tués dans les bombardements. Les deux tiers se sont enfuis. L’usine Azovstal de Rinat Akhmetov a été pilonnée et détruite. Comme la majorité des hôpitaux de la ville et de toutes ses infrastructures civiles.

Les 150 000 habitants en état de siège se terrent dans des caves et tentent de dénicher de la nourriture entre deux bombardements, relate un adjoint du maire de Marioupol, Petro Androuchenko, qui a lui-même dû se réfugier à Zaporijjia, à 200 kilomètres plus à l’ouest.

La question se pose : Vladimir Poutine est-il en train de prendre sa revanche sur cette ville du Donbass qui lui a résisté en 2014 ? Est-ce la raison pour laquelle il frappe Marioupol avec une telle fureur ?

« L’échec russe de 2014 ajoute à la valeur symbolique d’une éventuelle prise de Marioupol », avance Maria Popova, politologue à l’Université McGill et spécialiste de la transition post-soviétique.

« Il s’agit de prendre ce que la Russie n’est pas parvenue à prendre en 2014. »

Pour les Russes, « prendre Marioupol est capital parce que c’est la grande ville du Donbass qui leur avait échappé en 2014 », note Dominique Arel, directeur de la Chaire d’études ukrainiennes de l’Université d’Ottawa.

Régiment Azov

Mais Marioupol est aussi le berceau du fameux régiment Azov – un groupe armé issu de l’extrême droite nationaliste qui, aux yeux du Kremlin, incarne la menace nazie dont il nourrit sa propagande anti-ukrainienne.

Pour Vladimir Poutine, « Marioupol est un peu la matrice du mal », note Adrien Nonjon, chercheur à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) à Paris.

La réalité est loin de ce portrait caricatural. Fort de 2500 à 5000 hommes, le groupe paramilitaire Azov a été incorporé au sein de la Garde nationale ukrainienne dès 2014, souligne ce spécialiste des mouvements d’extrême droite post-soviétiques.

Depuis, il s’est beaucoup diversifié. Considéré comme un corps d’élite, le régiment Azov compte trois brigades. L’une d’entre elles défend Marioupol, une autre est présente à Kharkiv et la troisième participe à la défense de Kyiv, explique Adrien Nonjon.

« Idéologiquement, le régiment Azov peut être rangé dans le spectre très large de toutes les tendances du nationalisme ukrainien, les éléments néonazis ont été noyés sous le flot des nouvelles recrues. »

— Adrien Nonjon, chercheur à l’Institut national des langues et civilisations orientales à Paris

En dépit de cette évolution vers des courants idéologiques moins marginaux, pour Maria Popova, la chute de Marioupol permettrait à Vladimir Poutine d’exhiber rétroactivement des « preuves » d’une prétendue Ukraine fasciste. Mais Dominique Arel rétorque que la Russie n’a pas besoin de faits pour alimenter sa propagande, qui présente déjà toute l’opposition ukrainienne comme « néonazie ».

Et puis, comme le souligne Adrien Nonjon, pour les Ukrainiens, le régiment Azov, ce sont surtout des brigades héroïques qui réussissent à opposer une résistance efficace contre l’envahisseur. Raison de plus, pour le Kremlin, de vouloir le rayer de la carte…

Le chaînon manquant

L’acharnement russe contre Marioupol est aussi d’ordre territorial. C’est la plus grande ville du Donbass à échapper au contrôle russe, souligne Dominique Arel. Il rappelle que deux jours avant de lancer son offensive anti-ukrainienne, Vladimir Poutine a déclaré reconnaître « l’indépendance » des deux républiques autoproclamées du Donbass.

Tout le monde a compris que sa vision du Donbass allait au-delà de Louhansk et Donetsk. « Poutine justifie sa guerre en prétendant vouloir protéger le Donbass, et pour lui, ça inclut forcément Marioupol. »

Marioupol, c’est aussi un lien terrestre entre le Donbass et la mer Noire. Cet élément est crucial dans l’acharnement de l’armée russe contre cette ville, croit Ekaterina Piskunova, chercheuse au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM). Selon elle, Vladimir Poutine cherche à se tailler une bande de territoire allant de l’enclave russe de Kalinigrad, au nord, jusqu’à la Transnistrie, l’enclave prorusse sur le territoire de la Moldavie, au sud.

Le contrôle de ce territoire permettrait à la Russie de relier la mer Baltique à la mer Noire. Et selon Ekaterina Piskunova, ce contrôle passe forcément par Marioupol.

« C’est vraiment une question de géographie et de géopolitique. »

— Ekaterina Piskunova, chercheuse au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal

D’ailleurs, l’Ukraine s’attendait à une offensive contre Marioupol et s’y était préparée, affirme Ekaterina Piskunova. D’où la férocité de la bataille. Mais de là à détruire 90 % d’une ville de près d’un demi-million d’habitants ? La destruction de Marioupol nous frappe parce que c’est une grande ville, souligne Dominique Arel. « C’est comme si on vidait d’un coup toute la ville de Laval. »

Mais ce chercheur tient à souligner que d’autres villes du Donbass, plus petites, ont subi une puissance de feu semblable. Volnovakha, dans la province de Donetsk, ou Chtchastia, dans celle de Louhansk. Finalement, dit Dominique Arel, peu importe ses raisons, la Russie veut prendre contrôle de tout le Donbass à tout prix. Et n’hésite pas à déployer des « moyens de destruction massifs » pour y parvenir.

Rôle du Canada

Des discussions, des sanctions et une enquête

Ottawa — Le gouvernement canadien étudie le rôle qu’il pourrait jouer dans un potentiel accord de paix entre la Russie et l’Ukraine. En attendant, sur le front juridique, Ottawa envoie des enquêteurs pour étoffer le dossier que prépare la Cour pénale internationale (CPI).

Le Canada a été ciblé par le négociateur en chef de la délégation ukrainienne, David Arakhamia, comme l’un des pays sur lesquels l’Ukraine pourrait compter pour assurer sa sécurité si elle accepte un statut de neutralité dans le cadre d’un accord international. « Nous insistons sur le fait qu’il doit s’agir d’un traité international signé par tous les garants de la sécurité », a-t-il déclaré, selon une transcription en anglais publiée sur le site du président ukrainien.

À Ottawa, mardi, une source gouvernementale a confirmé à La Presse que l’option a bel et bien été discutée, et que le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, en a parlé au premier ministre Justin Trudeau lundi soir lors de leur entretien téléphonique. « Il y a des pourparlers en ce sens, mais on ne s’est pas engagés là-dessus. On consulte nos alliés », a dit cette source sous le couvert de l’anonymat, afin de parler plus librement.

La ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly, ne s’est pas étendue sur le sujet.

« Nous sommes au courant de plusieurs des discussions, mais je ne peux pas donner plus de détails, parce que bien entendu, ces discussions ont lieu présentement. »

— Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères du Canada

La ministre a d’ailleurs ajouté que le Canada s’apprêtait à frapper le Kremlin de nouvelles sanctions.

Les autres nations garantes du pacte seraient les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies – États-Unis, Royaume-Uni, France, Chine et Russie – ainsi que la Turquie, l’Allemagne, l’Italie, Israël et la Pologne, a détaillé M. Arakhamia. Dans le camp opposé, Moscou a communiqué son projet de « réduire radicalement [son] activité militaire en direction de Kyiv et Tchernihiv ».

Au chapitre des préoccupations canadiennes : participer à une opération militaire multilatérale aux côtés de pays avec lesquels on n’a pas de tradition de collaboration n’est pas une mince affaire. « Il y a beaucoup de questions sur la façon dont le mécanisme fonctionnerait, et avec qui on le ferait », a relevé une autre source gouvernementale qui s’est aussi exprimée de manière anonyme, n’ayant pas la permission de discuter de l’enjeu publiquement.

Un appui à l’enquête de la CPI

Sur le front juridique, le gouvernement canadien a annoncé mardi l’envoi de nouveaux enquêteurs de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en Ukraine pour contribuer à l’élaboration du dossier de la Cour pénale internationale sur l’invasion russe.

Les limiers seront « affectés à des équipes qui travaillent pour mettre un terme à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves […] dont le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité », a déclaré dans un communiqué le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino.

Sept enquêteurs de la GRC viendront rejoindre les trois qui se trouvent déjà sur place, a-t-on indiqué au bureau du ministre.

L’équipe qui prendra le chemin de l’Ukraine « a les qualifications, l’expérience et l’expertise pour recueillir les preuves maintenant, sur le terrain, qui peuvent être utilisées dans un [procès] à l’avenir », a expliqué le ministre Mendicino en mêlée de presse. Cette cueillette d’informations passe entre autres par la réalisation d’entrevues ou l’accumulation de preuves matérielles, a-t-il poursuivi.

Le tribunal de La Haye, aux Pays-Bas, a annoncé le 2 mars dernier l’ouverture d’une enquête sur de possibles crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par Moscou.

Un « message très fort », mais…

Le message qu’envoie le Canada est « très fort », estime Pascal Paradis, directeur général d’Avocats sans frontières. « On dit que la justice internationale, c’est important […] et on va faire en sorte que lumière soit faite, qu’il y ait des enquêtes et que la CPI ait en main les outils qu’il lui faut, les ressources qu’il lui faut », expose-t-il.

Mais il y a un « envers à la médaille », tient-il à faire remarquer. « La justice pénale internationale n’a pas un effet immédiat. Il ne faut pas penser que c’est quelque chose qui va déboucher dans les prochains jours, même les prochaines semaines et les prochains mois, et que ça aura un impact immédiat sur les hostilités. C’est une entreprise à long terme. »

— Avec l’Agence France-Presse

Accueil de réfugiés ukrainiens

Abandon de l’exigence de données biométriques pour certains groupes

Sous le feu nourri des critiques, Ottawa jette un peu de lest afin de faciliter l’arrivée de réfugiés ukrainiens. L’obligation de fournir des données biométriques est levée pour trois catégories de personnes, soit les jeunes âgés de 14 à 17 ans, les personnes qui sont âgées de 60 ans et plus ainsi que ceux dont le visa avait déjà été approuvé au préalable et qui ne possèdent donc pas de dossier d’immigration problématique, a-t-on précisé au bureau du ministre de l’Immigration, Sean Fraser. Les données biométriques ne sont pas exigées pour les jeunes de moins de 14 ans. Outrés de voir la lenteur du processus d’accueil des Ukrainiens qui fuient la guerre, les partis de l’opposition réclamaient l’abandon total de la collecte de données biométriques – le ministère Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada recueille 10 empreintes digitales, les informations biographiques et la photographie des demandeurs.

— Mélanie Marquis, La Presse

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