Rencontre du troisième type
Stéphane Durand : Notre perception du temps relève de notre cerveau. Mais à la base, il y a le temps physique, et lui, on sait déjà comment le contrôler !
SD : Oui ! L’une des grandes découvertes d’Einstein est qu’on peut contrôler l’écoulement du temps de deux façons. La première est en allant très vite. La deuxième est en étant soumis à une force de gravité très forte. Si on fait ça, on ralentit le temps. Ce n’est pas de la science-fiction : ça a été vérifié de toutes sortes de façons. Nos GPS, par exemple, fonctionnent parce qu’ils tiennent compte du ralentissement du temps dans les satellites qui tournent autour de la Terre.
SD : Mais ça, c’est la partie la moins flyée. Parce que la question la plus fascinante, c’est : est-ce qu’on peut retourner dans le passé ? Et ça pose la question : est-ce que le passé existe encore ? Si je veux retourner une semaine avant, il faut que cette époque existe encore. Ça, ça n’a pas encore été prouvé, mais c’est une possibilité qui découle des équations d’Einstein et qu’il faut prendre au sérieux.
SD : Oui. Le physicien Kip Thorne, en 1988, a montré comment on pourrait peut-être construire une machine pour retourner dans le passé.
SD : La machine à remonter dans le passé, c’est spéculatif, mais c’est sérieux. À notre échelle, cependant, il se peut que ce soit instable et qu’il y ait des problèmes techniques.
SD : Oui… Mais supposons que tout ça soit possible. Le passé existe encore et on a une machine qui permet d’y aller. La question qui reste, ce sont les paradoxes. Comment les contourner ? Et ça m’amène à te poser une question philosophique, Marc. Crois-tu au libre arbitre ?
SD : Regarde bien. [Stéphane Durand se lève.] Je vais te montrer un voyage dans le temps cohérent. Disons que j’ai une armoire, ici, qui est une machine à reculer dans le passé de 12 heures. Il est minuit. J’entre dans la machine pour en ressortir 12 heures plus tôt, à midi. À midi, je suis donc là, et il y a une copie de moi qui sort de l’armoire. Je discute avec moi-même pendant 12 heures, puis, à minuit, je rentre dans l’armoire et la copie de moi continue seule. C’est absolument bizarre, mais ce n’est pas incohérent.
SD : Maintenant, regardons le paradoxe. Il est minuit. Je rentre dans la machine. À midi, une copie de moi sort. Je discute avec moi-même, sauf que là, je change d’idée. À minuit, je ne veux plus rentrer dans la machine. Ça pose une question difficile : la copie de moi qui est sortie à midi… d’où vient-elle, si je ne suis pas entré dans la machine à minuit ?
SD : À minuit, il faut qu’il n’y ait qu’UN SEUL événement possible. Soit je rentre dans la machine, soit je n’y entre pas. Ça veut dire qu’on ne peut pas prendre toutes les décisions possibles. Notre libre arbitre doit être limité, au moins dans les boucles temporelles. Ou alors notre libre arbitre n’existe pas du tout, tout simplement. Quand j’ai l’impression de faire un choix, ne s’agit-il pas en fait d’un processus inconscient qui découle des lois de la physique ? Ce n’est pas impossible, même si plusieurs personnes trouvent ça complètement inacceptable.
SD : Moi, je suis comme toi. Je me dis : ce n’est pas grave. On est quand même responsable de ce qu’on fait.
SD : Non, pas nécessairement. Les choses évoluent, point.
SD : Exactement !
SD : Ah oui ! Je le ferais même avec un délai plus long, disons 10 ans.
SD : On ne peut pas changer les choses.
SD : Bonne question ! Je n’ai encore jamais pensé à ça. Je me demanderais : as-tu changé d’idée sur tel truc ? Ou bien : est-ce que Trump a gagné les élections ? Il y a sûrement des questions meilleures que ça à poser, mais là, ça ne me vient pas.
SD : Ça fait plaisir ! Et si jamais tu veux une démonstration en direct d’armoire qui remonte le temps, tu me fais signe !