COVID-19

2022 plus meurtrière que 2021

Le variant Omicron et la levée des mesures sanitaires ont marqué l’année qui s’achève et pourraient expliquer, selon des experts, le nombre de décès nettement plus élevé que celui de l’année précédente au Québec. Et alors qu’on observe une circulation accrue de virus respiratoires, le ministre Christian Dubé s’inquiète de la situation dans les urgences, qui débordent déjà.

L’année Omicron

Après une certaine accalmie en 2021, le Québec a enregistré une hausse marquée des décès attribués à la COVID-19 cette année. Le variant Omicron jumelé à la levée des mesures sanitaires peut expliquer ce sombre bilan, selon deux experts.

L’année 2022 se termine par un lourd bilan en ce qui a trait aux décès liés à la COVID-19 dans la province. Selon les données de l’Institut national de santé publique, 5688 décès ont été attribués à la maladie cette année. C’est nettement plus que les 3296 morts comptabilisées l’année précédente. Le bilan reste néanmoins inférieur aux 8502 décès observés lors de la première année de la pandémie.

« Le variant Omicron était moins dangereux que le Delta, qui précédait, mais il était tellement transmissible qu’il a causé un nombre impressionnant de cas d’infection qui se sont traduits par une proportion de décès plus élevée », explique le virologue Benoit Barbeau, professeur au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal.

Omicron a ainsi fait exploser le nombre de cas dépistés en 2022 : pas moins de 633 802 ont été confirmés, malgré les limites imposées au dépistage. C’est trois fois plus que lors de la première année de la pandémie.

La vaccination a évidemment contribué à freiner la maladie, « mais s’il y a une grande proportion de personnes infectées, il va y avoir quand même une proportion qui va décéder », précise M. Barbeau.

La vaste majorité des décès dus à la COVID-19 s’est concentrée chez les personnes âgées de 70 ans et plus. Ce groupe est demeuré le plus vulnérable depuis le début de la pandémie, représentant 87 % des morts encore cette année.

Mesures sanitaires et doses de rappel

La levée des mesures sanitaires dans la première moitié de l’année peut aussi contribuer à expliquer ces chiffres, estime la biochimiste Nathalie Grandvaux, de l’Université de Montréal, qui dirige des recherches sur les infections respiratoires au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). « Les gens qui étaient protégés par les mesures sanitaires, en plus de la vaccination, ne le sont plus », résume-t-elle.

Malgré la vaccination et la virulence moindre des nouveaux variants, « les personnes plus vulnérables sont toujours plus à risque d’avoir des symptômes graves, d’être hospitalisées et de décéder », ajoute M. Barbeau.

Qui plus est, la popularité des doses de rappel a décru avec le temps, rappelle Nathalie Grandvaux. Sans compter que « certains variants, plus récents, sont capables d’échapper à la réponse immunitaire donnée par le vaccin chez les personnes vulnérables et immunosupprimées », détaille-t-elle.

Sept enfants morts en raison de la maladie

Le Québec a déploré en 2022 sept décès attribués à la COVID-19 chez des enfants de moins de 10 ans. Un seul décès d’enfant avait été rapporté durant les deux premières années de la pandémie.

Pour Mme Grandvaux, le Québec pourrait adopter des moyens pour mieux prévenir la maladie, sans retourner à des mesures sanitaires restrictives. Par exemple en améliorant son bilan en termes de ventilation et d’assainissement de l’air des bâtiments. Ou encore en informant mieux la population quant à la nécessité du port du masque dans certaines occasions.

« On sait que la COVID est avec nous depuis trois ans et qu’elle ne va pas disparaître. Et que l’impact des autres virus respiratoires est plus important qu’avant », souligne-t-elle.

« C’est beaucoup de morts cette année, pour des virus respiratoires. C’est vraiment énorme. Est-ce que comme société on devrait accepter ça ? Moi, je dirais que non. Parce qu’on a des moyens de se protéger, sans brimer notre liberté. »

— Nathalie Grandvaux, biochimiste à l’Université de Montréal, qui dirige des recherches sur les infections respiratoires au CHUM

La surmortalité toujours présente en 2022

La hausse des décès liés à la COVID-19 s’est aussi reflétée dans la surmortalité. En date de la mi-octobre, le Québec déplorait 5,7 % de décès de plus qu’anticipé. Encore une fois, c’est moins que la surmortalité de 7,7 % observée en 2020, mais nettement plus qu’en 2021.

À noter que le variant Omicron se fait encore lourdement sentir. C’est d’ailleurs l’un de ses sous-variants, le BQ.1, qui circule le plus actuellement, représentant la majorité des nouveaux cas.

La vague Omicron s’est aussi fait sentir dans les hôpitaux. Le Québec a rapporté tout près de 50 000 hospitalisations liées à la COVID-19 cette année, soit nettement plus que les 15 000 comptabilisées l’année précédente. Le bilan reste plus lourd même en tenant compte du fait que seulement 30 à 40 % des hospitalisations étaient directement dues à ce virus.

Taux d’occupation élevé des urgences

Une période des Fêtes qui s’annonce « difficile »

Après plusieurs semaines de circulation accrue de virus respiratoires, les hôpitaux du Québec ne sont pas près d’avoir un répit. La période des Fêtes sera difficile dans les urgences de la province, a prévenu mardi le ministre de la Santé, Christian Dubé.

« La période des Fêtes va être difficile particulièrement dans les urgences, parce que les contacts vont augmenter », a-t-il déclaré en mêlée de presse mercredi matin. Il a invité les Québécois à respecter les mesures de la santé publique afin de « donner un coup de main » aux travailleurs de la santé.

Le taux d’achalandage dans les urgences du Québec est déjà élevé depuis plusieurs semaines. Il s’est établi à 125,7 % en moyenne dans la dernière semaine, une légère baisse par rapport à la semaine dernière. Les urgences reçoivent 10 129 visites par jour en moyenne. Du nombre, 52 % sont jugées comme « moins urgentes ou non urgentes ».

Deux semaines plus tôt, le directeur national de santé publique, le DLuc Boileau, avait également prévenu que le mois de décembre risquait d’être « difficile » avec la forte transmission de la COVID-19 et de la grippe dans la province. Dans la dernière semaine, 2817 cas de grippe ont été enregistrés au Québec.

« Un appel, un service » partout au Québec

La situation demeure difficile dans les urgences, notamment en raison d’une augmentation importante du nombre de visites chez les enfants et les jeunes de 0 à 17 ans. Pour réduire cet achalandage, la ligne « Un appel, un service », une mesure mise en place il y a quelques semaines à Montréal, a été déployée partout au Québec mercredi, a annoncé le ministre Dubé.

Les parents peuvent donc composer le 811 et suivre les instructions vers la ligne pédiatrique, afin de recevoir les conseils d’une infirmière et d’être guidés vers l’obtention d’un rendez-vous.

Au début du mois de décembre, le ministre Dubé avait demandé aux infirmières de venir à nouveau prêter main-forte au réseau de la santé pour prendre les appels de la ligne pédiatrique 811. « On a eu près d’une centaine de personnes qui se sont ajoutées dans les deux dernières semaines […], mais on en prendrait encore », a affirmé M. Dubé mercredi.

Dans la dernière semaine, le 811, incluant la ligne pédiatrique, a reçu 3669 appels par jour en moyenne. Le délai d’attente moyen sur la ligne est de 13 minutes. Environ 19 % des personnes mettent toutefois fin à l’appel avant d’avoir parlé à une infirmière.

Au début du mois de novembre, le ministre de la Santé, Christian Dubé, avait annoncé la mise en place d’une cellule de crise pour désengorger les urgences. Diverses solutions ont été mises en place, dont la ligne 811 pédiatrique et la création de cinq cliniques exploitées exclusivement par des infirmières praticiennes spécialisées.

Afin de diminuer la pression sur les hôpitaux, le ministère de la Santé a invité les personnes plus vulnérables à se faire vacciner contre la COVID-19 et l’influenza. Le vaccin contre la grippe est offert gratuitement.

Manigances et TSO à Maisonneuve-Rosemont

La situation « n’est pas soutenable », dit le ministre Dubé

La situation à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, dans l’est de Montréal, « n’est pas soutenable », a déclaré le ministre de la Santé, Christian Dubé. Neuf membres du personnel soignant qui y travaillent ont dénoncé à La Presse les « manigances » pour imposer au personnel le « temps supplémentaire obligatoire » et des quarts de 16 heures de travail forcé.

« Quand j’ai lu l’article ce matin, je ne peux pas dire que c’est une situation que j’apprécie. J’ai beaucoup, beaucoup d’empathie », a déclaré le ministre Dubé en mêlée de presse.

La Presse rapportait mercredi que des gestionnaires de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont utilisent des « manigances » pour imposer le « temps supplémentaire obligatoire » (TSO). Les témoignages recueillis par La Presse font état de menaces de sanction, d’intimidation et de « manipulation émotionnelle » pour forcer les soignants à rester sur place.

Le ministre Christian Dubé déplore qu’il n’y ait pas de gestion locale des horaires à Maisonneuve-Rosemont. « Pourquoi des endroits ont réussi entre les syndicats locaux et les gestionnaires à s’entendre pour qu’il n’y ait pas de TSO ? Pourquoi on n’est pas capable de faire ça à Maisonneuve-Rosemont ? », a-t-il déclaré.

« La situation à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont n’est pas soutenable », a-t-il ajouté. Il n’a toutefois pas ouvert la porte à des sanctions pour les gestionnaires concernés.

Depuis plusieurs mois, M. Dubé martèle qu’il veut voir le TSO disparaître « le plus rapidement possible » et qu’il s’agit d’une « mesure d’exception ». Il demande aux gestionnaires du réseau « de trouver des solutions intérimaires » pour l’éviter.

Une invitation qui passe mal

Lors de sa brève déclaration mercredi, le ministre Christian Dubé en a profité pour inviter les professionnels de la santé de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont à venir à un forum organisé par la ministre responsable de l’Administration gouvernementale, Sonia LeBel, dans le cadre de la prochaine négociation des employés du secteur public.

L’invitation a mal passé auprès du syndicat des professionnels en soins de l’est de l’île de Montréal. « On abuse carrément de ces femmes-là. Ça me choque d’entendre le ministre inviter les infirmières à venir à un forum. Le problème, c’est qu’on les force à venir travailler, on n’a pas besoin d’aller à un forum pour le savoir », a dénoncé le président du syndicat, Denis Cloutier.

« On est en train d’être témoin de professionnels dont la parole se libère, qui ne sont plus capables de supporter le rythme de travail qu’on leur impose et [Christian Dubé] essaie de faire de la politique avec ça. »

— Denis Cloutier, président du syndicat des professionnels en soins de l’est de l’île de Montréal

Des situations intolérables

Pour le député libéral André Fortin, porte-parole de l’opposition officielle en matière de santé, « des situations comme celles-là ne peuvent pas être tolérées ». « Ça fait en sorte que les infirmières, à juste titre, se questionnent sur leur avenir. On est bien loin de l’employeur de choix que le réseau de la santé devrait être », dit-il.

Le député libéral déplore qu’il n’y ait pas de sanctions envers les gestionnaires ni d’interdiction du TSO. « Donc c’est bien possible qu’il n’y ait pas de changements à Maisonneuve-Rosemont », dit-il.

— Avec la collaboration de Fanny Lévesque, La Presse

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