Planète bleue, idées vertes

Du « faux-mage » pour réduire les GES

Ne trouvant pas de substitut de fromage qui réponde à ses critères nutritionnels, une entrepreneure montréalaise a créé sa propre version en utilisant une catégorie d’ingrédients inusitée pour ce type de produit, les légumineuses.

« J’ai dû arrêter complètement les produits laitiers et les noix quand j’ai allaité, parce qu’on soupçonnait une allergie à mes enfants. Ç’a été le coup de pouce pour chercher une solution nutritive et sans noix », raconte Betty Zoller.

Son cheminement, comme celui de nombreux consommateurs qui réduisent leur apport en protéines animales, a été progressif.

Plus qu’une question de santé

Arrivée du Venezuela en 2013 pour son MBA à l’Université McGill, Mme Zoller est d’abord devenue végétarienne. Elle a donc continué à consommer du fromage, d’autant qu’après avoir obtenu son diplôme, elle a travaillé durant plus de six ans au marketing d’un fabricant de produits laitiers.

« Quand je suis devenue végétarienne, c’était vraiment pour le bien-être des animaux. Mais à force de m’informer, j’ai vu que l’empreinte carbone générée par la production de produits laitiers était énorme. L’aspect santé de l’alimentation végétale me parle aussi beaucoup. »

— Betty Zoller, de l’entreprise Aviva

Elle s’est donc tournée vers des substituts de fromage, souvent qualifiés de « faux-mages », à base de cajou. Mais lorsqu’elle a voulu éliminer les noix de son alimentation, ces produits ne faisaient plus l’affaire. Et les « faux-mages » à base d’huile de coco, dont la teneur en protéines est nettement plus faible, ne la satisfaisaient pas. Elle a donc fait des essais avec des légumineuses, puis a lancé une entreprise, Aviva, qui utilise des pois chiches, des lentilles et des haricots blancs pour ses solutions de rechange végétales aux parfums de cheddar, de feta et de gouda.

L’aspect « écoresponsable » des légumineuses a pesé dans la balance, mais Aviva n’a pas encore calculé l’empreinte carbone de ses aliments.

« J’aimerais peut-être engager un consultant pour le faire parce qu’il me manque l’empreinte carbone de certains ingrédients, comme la protéine de pois et la levure alimentaire. »

Elle met donc l’accent sur l’ingrédient principal, la légumineuse. La production d’un kilo de pois chiches cuits génère 42 fois moins de CO2 que celle d’un kilo de fromage, fait-elle valoir en citant des données du site Healabel.

Moins que le bœuf, plus que la volaille

Les amateurs de fromages n’en sont pas toujours conscients, mais ces aliments entraînent des émissions de GES non négligeables.

L’empreinte carbone du fromage est moins grande que celle de la viande de bœuf ou d’agneau, mais plus que celle du porc, de la volaille ou du lait, montre un classement utilisé par le Forum économique mondial.

« L’impact vient de toutes les ressources dont on a besoin pour élever une vache, pour la nourrir, et aussi des gaz à effet de serre liés au fumier et à la digestion », explique Catherine Houssard, agente de recherche au Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG).

Si l’empreinte du fromage est beaucoup plus importante que celle du lait de consommation, c’est que sa fabrication « concentre le gras et les protéines du lait », donc requiert « énormément plus de lait par kilo de produit fini ».

Et la distance parcourue pour se rendre au consommateur québécois, même si elle est moindre pour le lait et le fromage d’ici que pour des légumineuses venues de loin, ne suffit pas à faire pencher la balance.

« Le transport représente moins de 10 % de l’empreinte carbone totale des aliments. C’est la production agricole qui est responsable d’une grande partie des émissions. »

— Catherine Houssard, agente de recherche au Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services

Pour se rapprocher du goût du fromage, Aviva a fait appel à l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF) de l’Université Laval. « Ils ont fait plusieurs tests avec différents ferments pour trouver les cultures qui donnent des saveurs plus fromagères », précise Mme Zoller.

Des étudiants en sciences des aliments et de la nutrition de l’Université McGill ont aussi été appelés en renfort pour peaufiner les valeurs nutritionnelles.

L’échantillon de « style cheddar » orangé que nous avons goûté était dense, avec une texture un peu granuleuse, rappelant celle d’un fromage vieilli, et avait une saveur assez réussie. Le « style feta » assaisonné d’herbes et d’épices présentait une consistance plus élastique et un parfum très aillé.

Pour l’instant, les produits sont seulement offerts en prévente dans le cadre d’une campagne de sociofinancement, mais ils devraient être distribués dans des épiceries à l’automne, prévoit l’entrepreneure.

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