Le REM de la Rive-Sud encore retardé

La mise en service de l’antenne sud du Réseau express métropolitain (REM), prévue le 1er décembre, est reportée au printemps, a appris La Presse de plusieurs sources. CDPQ Infra, propriétaire du REM, va confirmer l’information ce vendredi matin dans une rencontre de presse.

Étant donné l’envergure de l’opération que nécessite la mise en service de ce mode de transport, CDPQ Infra préfère jouer de prudence et reporter l’ouverture au printemps, nous signalent plusieurs personnes près du dossier. Les dirigeants de la filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec veulent éviter à tout prix une répétition de la catastrophe qu’a connue le train léger d’Ottawa lors de son premier hiver d’exploitation en 2020.

CDPQ Infra doit confirmer tout report aux principaux organismes de transport de la Rive-Sud avec un préavis de 30 jours minimum, soit le 30 octobre au plus tard. À quelques jours de cette échéance, c’est toujours « pas de son, pas d’image », nous avait indiqué une source proche du dossier plus tôt cette semaine. Une autre source avait souligné que « tout pointe » vers un report de l’entrée en service, à quelques jours de la date butoir du préavis.

Le délai additionnel devrait notamment permettre à l’exploitant du réseau d’embaucher les employés stratégiques qui manquent encore à l’appel en raison de la pénurie de main-d’œuvre. Les sites d’emplois des sous-traitants Alstom, SNC-Lavalin et GPMM affichent une cinquantaine de postes à pourvoir en lien avec le REM, dont une quinzaine touchant le centre de contrôle intégré, secteur névralgique d’un train automatisé fonctionnant sans conducteur comme le REM.

Les transporteurs se préparent

Malgré l’incertitude entourant la date de lancement officielle, les deux sociétés de transport qui exploitent des dizaines de lignes d’autobus sur la Rive-Sud – exo et le Réseau de transport de Longueuil (RTL) – sont à l’œuvre pour respecter l’échéance du 1er décembre qui tenait jusqu’à ce jour.

« Nous, on travaille avec la date du 1er décembre, et notre responsabilité chez exo, c’est de s’assurer qu’on sera prêt à ce moment-là », a indiqué Catherine Maurice, chef des relations médias chez exo.

Le transporteur redirigera au moins huit lignes d’autobus qui partent de villes de banlieue éloignées, comme Chambly et Carignan, vers la station Brossard du REM. La refonte « titanesque » de l’ensemble du réseau d’exo est en cours depuis 2019, précise Mme Maurice.

Le changement sera encore plus vaste pour le RTL, qui transporte 1,74 million de passagers par année dans ses autobus. La société de transport modifiera le tracé d’une quarantaine de lignes d’autobus pour les rediriger vers l’une des stations du REM sur la Rive-Sud.

Plus aucun bus ne pourra traverser le pont Samuel-De Champlain vers l’île de Montréal après la mise en service du REM, en vertu de l’exclusivité accordée à CDPQ Infra par le gouvernement du Québec.

Des employés installent ces jours-ci de nouveaux arrêts d’autobus partout sur la Rive-Sud, comme l’a constaté La Presse mercredi. Plus de 2300 panneaux d’arrêt sont changés ou ajoutés seulement pour le RTL, confirme son directeur général, Michel Veilleux.

Rappelons que l’antenne sud du REM, qui relie Brossard à la gare Centrale de Montréal en passant par l’île des Sœurs, devait à l’origine être inaugurée à la fin de 2021. L’échéancier a par la suite été reporté au printemps ou à l’été 2022. Depuis janvier dernier, CDPQ Infra parle d’une mise en service à l’automne 2022.

Un contexte particulier

Ce nouveau report du réseau structurant arrivera à un bien mauvais moment. De nombreux résidants de la Rive-Sud croyaient pouvoir compter sur le REM rapidement, car Québec fermera bientôt trois des six voies du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, et ce, jusqu’à la fin de 2025.

La Presse rapportait d’ailleurs mercredi que la circulation automobile sur les ponts Jacques-Cartier et Samuel-De Champlain était déjà plus élevée qu’avant la pandémie, et que le début du mégachantier du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine provoquerait encore plus de congestion. Selon plusieurs experts, la situation pourrait en effet causer l’atteinte de points de saturation sur toutes les traverses entre la Rive-Sud et l’île de Montréal, dans les prochaines semaines.

« Du point de vue des usagers, c’est certain que c’est extrêmement décevant, un autre report du REM », concède la directrice générale de l’organisme Trajectoire Québec, Sarah V. Doyon, qui représente les intérêts des navetteurs partout au Québec. « Le chantier dans le tunnel va venir mettre une pression énorme sur les infrastructures de la Rive-Sud, c’est évident. Le REM aurait été une solution tellement attrayante dans ce contexte-là », insiste-t-elle, en misant sur « l’opportunité » que représentait le potentiel transfert modal actuellement.

« On nous avait promis à maintes reprises un projet à temps et dans les budgets. Un nouveau report, ce sera assurément un pensez-y-bien pour les prochains projets du genre. »

— Sarah V. Doyon, directrice de Trajectoire Québec

Début septembre, un accident impliquant un véhicule d’entretien était survenu près de la future station Île-des-Sœurs, causant une interruption momentanée des travaux sur le chantier du REM. Selon nos informations, l’affaire a aussi entraîné de légers retards. Personne n’avait été blessé lors de l’évènement, mais il avait causé des dommages matériels appréciables à la station.

Le titulaire de la Chaire UNESCO en paysage urbain de l’Université de Montréal, Shin Koseki, estime aussi qu’un nouveau report du REM serait « très dommage » dans le Grand Montréal. Mais il demeure optimiste.

« Il faut se rappeler qu’on parle vraiment d’une infrastructure qui est réfléchie pour des milliers d’usagers, et qui va être pérennisée sur des dizaines, voire des centaines d’années », nuance M. Koseki.

Une fois achevé, le REM comptera 67 kilomètres de rails entre la Rive-Sud, le centre-ville, l’aéroport Montréal-Trudeau, l’Ouest-de-l’Île et la couronne nord. Ce projet de plus de 7 milliards sera l’un des plus grands réseaux de train léger automatisé au monde.

— Avec la collaboration de Julien Arsenault, La Presse

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