Le Collège des médecins veut « regagner la confiance » des patientes
Choqué par la publication l’an dernier d’un rapport révélant que près d’une trentaine de femmes autochtones et inuites avaient été victimes de stérilisation forcée entre 1980 et 2019 au Québec, le Collège des médecins a mis sur pied un groupe de réflexion et propose aujourd’hui plusieurs actions pour « regagner la confiance » des patientes, dont une formation sur la sécurisation culturelle et l’ajout d’un préambule au code de déontologie des médecins.
Ce préambule stipulera que le Collège des médecins « reconnaît que les origines culturelles, occidentales et patriarcales de la médecine au Québec peuvent être responsables de biais dans la construction du réseau de la santé ». Le préambule reconnaîtra aussi « la discrimination et le racisme systémique ». Le président du Collège des médecins, le Dr Mauril Gaudreault, parle d’un « exercice d’humilité ». « Le travail du Collège est d’assurer une médecine de qualité. Il faut aborder ces sujets », dit-il.
Selon lui, l’ajout du préambule viendra « teinter tous les articles du code de déontologie ». « Ça passe un message très clair à tous et toutes », soutient Suzy Basile, professeure à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et co-autrice du rapport Basile-Bouchard sur les stérilisations forcées.
Formé notamment du Dr Gaudreault, de Mme Basile et du chirurgien Stanley Vollant, le groupe de réflexion sur les interruptions de grossesse et les stérilisations imposées aux femmes des Premières Nations et Inuit au Québec a été créé à la suite de la publication du rapport Basile-Bouchard en novembre 2022.
Dans leur rapport, Mme Basile et sa collègue Patricia Bouchard avaient formulé 31 recommandations. Si le Collège des médecins a agi rapidement en créant un groupe de réflexion, d’autres recommandations sont restées lettre morte, constate Mme Basile, dont le financement d’un programme spécial de sages-femmes et la reconnaissance par le gouvernement du racisme systémique, note-t-elle.
Des formations pour tous
En sondant plus de 360 médecins, le groupe de réflexion a constaté que plusieurs répondants niaient l’enjeu des stérilisations forcées, « estimant qu’il s’agissait d’une généralisation extrême ou que ces évènements appartenaient au passé », peut-on lire dans le premier rapport du groupe de réflexion, pour qui « un important travail d’éducation et de sensibilisation s’avère nécessaire, tant auprès des médecins que du grand public ».
En plus de l’ajout d’un préambule au code de déontologie, des formations sur la sécurisation culturelle seront offertes dès cette année aux médecins de la province. Cette formation sera obligatoire pour les médecins travaillant au Collège, dont au département des enquêtes. Une formation sur le consentement, donnée depuis plusieurs années par l’ordre professionnel, sera aussi bonifiée pour tenir compte des réalités autochtones.
Le groupe de réflexion veut étudier la possibilité de modifier le Code des professions afin d’y ajouter un article qui préciserait que « procéder à une stérilisation ou à un avortement sans l’obtention du consentement libre et éclairé de la personne ou d’exercer sur elle des pressions pour qu’elle accepte la procédure » constitue un « acte dérogatoire à l’exercice de la profession ».
Si aucun médecin n’a été sanctionné jusqu’à maintenant en lien avec une stérilisation forcée de femme autochtone ou inuite, des enquêtes sont toutefois en cours, note le Dr Gaudreault. Une action collective a aussi été autorisée en août 2023 pour les femmes atikamekws qui affirment avoir été stérilisées contre leur gré. Finalement, Mme Basile vient de terminer une deuxième phase à sa recherche lors de laquelle le témoignage d’autres patientes a été récolté entre juillet 2023 et mai 2024. Ces résultats sont en analyse.