Train de vie

Se séparer à 69 ans

Vous planifiez un projet qui demande une utilisation judicieuse de votre argent ? Vous avez des problèmes financiers ?

LES CHIFFRES

Nicole, 69 ans

REVENUS

RRQ :

8356 $/année

PSV :

7362 $/année

Rentes d’employeurs :

3012 $/année

Revenus de placement imposables :

6280 $

Épargnes non enregistrées :

237 000 $

REER :

59 000 $

CELI :

66 000 $

Aucune dette

« Je suis déjà à la retraite depuis quatre ans, nous a écrit Nicole*. J’ai 69 ans. Je tente de planifier la suite en solo à partir de décembre 2020. »

Solo ? C’est lors de l’entretien téléphonique subséquent que viendra l’éclaircissement.

« Je vais me séparer et je veux regarder de quoi vont avoir l’air mes finances quand je serai toute seule », explique la retraitée. « Je veux savoir si je vais en avoir assez pour vivre par mes moyens sans trop tirer le diable par la queue. »

Elle touche 8246 $ en rente de la RRQ et 7362 $ en prestations de la Sécurité de la vieillesse.

Elle reçoit aussi des rentes de retraite de deux anciens employeurs : un total de 251 $ par mois. Il ne manque pas de zéro.

« Malheureusement, ce n’est pas plus élevé que ça. J’ai déjà eu un meilleur fonds de pension, mais je suis allée le retirer et le mettre à la Bourse, imaginez-vous donc… Ça n’a pas été gagnant. »

Pour le reste, elle devra compter sur ses placements, qui totalisent 335 000 $, tous sous la forme de certificats de placement garantis – « parce que je ne voudrais pas trop perdre ».

Nicole prévoit d’emménager dans un immeuble réservé aux personnes de 50 ans et plus, où le loyer inclut « l’électricité, le câble, l’internet, le téléphone, la climatisation, l’eau chaude, les électroménagers, et même un stationnement intérieur », énumère-t-elle.

L’immeuble neuf sera prêt à l’habitation en décembre 2020.

« Mon interrogation est de savoir ce que je peux me payer comme grandeur d’appartement : un 3 ½ ou un 4 ½ ? »

Le loyer du premier avoisinerait 1340 $, le second oscillerait entre 1400 et 1600 $ – « ce que je préférerais », ajoute-t-elle.

Elle pense y habiter jusqu’à 80 ans, ou plus si les circonstances le permettent, et vivre ensuite en résidence.

En sus du logement, elle estime ses autres dépenses à 16 000 $ par année, incluant un petit voyage.

Elle possède une voiture qui compte à peine 50 000 km à l’odomètre, mais âgée de 20 ans, elle approche elle aussi de la retraite.

« Dois-je diversifier ces placements pour un meilleur rendement ? », demande-t-elle.

Elle réfléchit à la possibilité « d’acheter une rente viagère à l’âge de 75 ou 80 ans avec une partie de ce qui [lui] resterait de capital ». Une bonne idée ?

Mais d’une manière ou d’une autre, elle plonge. « Je pense que je m’en vais vers un peu plus de bonheur. »

Reste à savoir s’il sera confortable.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.

LA RÉPONSE

Quelle forme prendra le logement de Nicole ? Le planificateur Martin Dupras, président de ConFor financiers, en a tracé le plan.

Avec un 3 ½ et un loyer de 1350 $, les dépenses annuelles de 16 000 $ fixent un plancher budgétaire de 32 200 $. Dans un 4 ½ à 1600 $, le plafond s’installe à 35 200 $.

Dans les conditions actuelles, les revenus de Nicole totalisent quelque 25 000 $, si on ajoute aux rentes publiques et privées les 6300 $ de revenus d’intérêts que procurent ses placements non enregistrés. Le faible impôt de 1400 $ et la contribution à l’assurance médicaments sont en bonne partie compensés par le crédit de TPS et le crédit pour solidarité.

Combien Nicole peut-elle puiser dans ses épargnes pour compléter ces revenus ?

Âgée de 69 ans, elle a une chance sur quatre de parvenir à 96 ans, horizon auquel Martin Dupras fixe l’épuisement de ses actifs.

Avec son rendement actuel moyen de 2,65 % et une inflation de 2,1 %, Nicole « peut maintenir un revenu indexé après impôts de 31 750 $, donc presque le bas de la fourchette qu’elle visait ».

Le Supplément de revenu garanti pourrait peut-être améliorer son bilan. L’admissibilité s’établit sur la base de l’ensemble des revenus, hormis la prestation de Sécurité de la vieillesse. « Dans son cas, 17 648 $ par année », indique le planificateur.

« La prestation est établie de juillet à juin sur la base des revenus de l’année précédente », rappelle-t-il.

En fonction du moment où Nicole commencera à vivre seule, il faudra peut-être plus d’un an avant qu’un modeste supplément de 473 $ par année lui soit versé.

« Toutefois, dès qu’elle touchera ses retraits minimums de ses REER transformés en fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), l’année suivant ses 71 ans, elle recevra trop de revenus pour toucher ne serait-ce que ce petit supplément », indique le planificateur.

« En plus de l’impôt, chaque dollar de revenus de placement lui coûte 50 cents de Supplément de revenu garanti. C’est comme si elle était imposée là-dessus de 60 % à 70 %. »

Avec des placements légèrement plus dynamiques, mais sans excès d’enthousiasme boursier, un rendement de 3,5 % lui permettrait d’engranger 33 500 $ par année – ce qui est encore insuffisant pour l’objectif d’un 4 ½.

« Pour elle, il s’agit plutôt de mettre la main sur le Supplément de revenu garanti, et elle peut le faire sans prendre plus de risques. »

Voici comment.

Une rente viagère pour optimiser le SRG

« Une option pertinente serait de souscrire à une rente viagère prescrite en utilisant ses capitaux non enregistrés », évoque Martin Dupras.

Il a simulé cette stratégie en y consacrant 250 000 $, soit l’ensemble des épargnes non enregistrées de Nicole, plus 13 000 $ tirés de son CELI.

Avec cette somme, elle pourrait toucher une rente viagère non indexée de 15 381 $ par année, dont 2560 $ seraient imposables.

Nicole perdrait cependant le contrôle sur les sommes versées pour sa souscription, soulève le planificateur. « Une stratégie de décaissement total du FERR pour préserver les prestations du SRG est aussi envisageable », souligne-t-il au passage.

Avec la rente viagère et en épuisant ses autres actifs à 96 ans, Nicole pourrait maintenir un coût de vie indexé de 34 000 $, soit 2250 $ de plus que dans le premier scénario.

« Ce faisant, ses revenus testés pour le SRG passeraient à 13 927 $, incluant la portion imposable de la rente prescrite », observe Martin Dupras.

Ces revenus lui vaudraient éventuellement un SRG de 2333 $ par année.

Avec les retraits obligatoires du FERR, dans l’année suivant son 71anniversaire, la SRG serait vraisemblablement ramenée aux environs de 700 $ par année.

Nicole effleure ainsi le budget minimum d’un 4 1/2, mais il serait périlleux qu’elle se place dans cette situation de vulnérabilité financière.

Elle devra tôt ou tard remplacer sa vieille voiture, à moins qu’elle ne s’en prive. Dans 10 à 15 ans, elle ira sans doute en résidence, ce qui accroîtra encore ses dépenses. Mieux vaut se réserver une marge de manœuvre budgétaire et se contenter du 3 ½.

Elle y dormira sur ses deux oreilles – ce qui participe aussi au bonheur.

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