Covid-19

Un déconfinement graduel se profile tant au Québec qu’en Ontario. Les autorités des deux provinces multiplient néanmoins les appels à la prudence.

« Ce n’est pas le temps de se faire des hugs » 

Les écoles primaires rouvrent, certaines entreprises aussi, mais le début du déconfinement ne doit pas nous mener à ne plus respecter la distanciation physique. Le gouvernement Legault a prévenu les Québécois, lundi : les rassemblements sont toujours interdits, et ne pas respecter les consignes pourrait nous ramener à des mesures musclées. 

Québec — Avec le printemps qui s’installe, la tentation de se rassembler dans les parcs ou dans l’arrière-cour devient vive. Mais ce n’est « pas encore le temps de faire des partys ou des repas de famille », et « si la population ne participe pas au maintien de [la] distanciation, […] on va être obligés de reconfiner de façon intensive », prévient Québec. 

La mise en garde a été solennellement lancée lundi par le directeur national de santé publique, le DHoracio Arruda. « Ce n’est pas le temps de se faire des hugs » ni de nous rassembler, a-t-il résumé.

« Je demande aux gens : gardez s’il vous plaît une distance de deux mètres entre vous. […] Si nous avons des rassemblements dans les parcs à Montréal, il faudra voir comment on peut y mettre fin, parce que c’est une situation risquée », a-t-il affirmé au lendemain d’un week-end ensoleillé où de nombreux parcs étaient bien fréquentés. 

La consigne est la même pour ceux qui inviteraient leurs amis et leur famille pour un BBQ dans la cour, même en gardant leurs distances. 

« Avec le printemps, avec le beau temps, ça va être difficile de rester enfermés, mais il va falloir le faire encore parce que sinon, notre opération graduelle [de reprise] va être annulée. »

— Le Dr Horacio Arruda

Lundi, le Québec a enregistré 875 nouveaux cas de coronavirus et 84 morts. On dénombrait 23 hospitalisations de plus que la veille, mais 5 personnes de moins aux soins intensifs. 

Vers la fin des barrages interrégionaux ?

Chose certaine, ce premier pas vers le déconfinement devrait avoir des répercussions sur les routes du Québec. Les barrages interrégionaux sont sur le point de disparaître, a laissé entendre le directeur national de santé publique.

« Pour ce qui est des barrages routiers, habituellement, quand on déconfine, on commence à être moins dans la contrainte », a-t-il indiqué. « Quand on commence, si vous me permettez, à ouvrir le rhéostat, ces genres de mesures coercitives-là, on essaie de les diminuer. »

Les barrages routiers mis en place dès le 1er avril visent notamment à refouler les voyageurs qui se déplacent vers des régions « fermées » pour des raisons non essentielles.

La Santé publique n’a pas donné plus de détails, lundi. On ne sait pas encore quand ces barrages disparaîtront, ni si l’interdiction des déplacements interrégionaux sera levée à temps pour les vacances d’été.

Le Dr Arruda a laissé entendre que des restrictions pourraient rester de mise, même sans barrages. « Quand on déconfine […], on laisse les gens avoir un jugement. »

« Mais si jamais on se rend compte qu’il y a un mouvement très important d’une région à l’autre, particulièrement d’une région chaude vers les régions froides, on verra à ce moment-là s’il ne faut pas reconfiner », a tout de suite ajouté le Dr Horacio Arruda.

Des maires veulent une « protection interrégionale » 

Des maires et mairesses ont exprimé leurs réticences quant à l’ouverture subite de régions où la COVID-19 est très peu présente.

« Certains préfets dans des zones plus “froides” souhaitent une certaine protection interrégionale. Ce que j’ai entendu, c’est qu’ils ne souhaitent pas à ce moment-ci une ouverture at large de toutes les régions. »

— Suzanne Roy, mairesse de Sainte-Julie et présidente intérimaire de l’Union des municipalités du Québec

« Oui, ils veulent un déconfinement des commerces locaux, ils veulent que les enfants retournent à l’école, mais ils souhaitent quand même une grande prudence pour la santé de leurs citoyens », dit-elle.

Et les chalets, dans tout ça ? Va-t-on permettre aux Montréalais, par exemple, de se rendre au leur dans les Laurentides ? Encore une fois, il faut tenter de lire dans les déclarations des autorités comme dans le marc de café.

« Je sais qu’il va y avoir des questions puis des débats, puis il y aura certains enjeux en lien avec les chalets, a dit le DArruda. On va être à évaluer la situation. Mais il faut nous donner le temps de regarder qu’est-ce qui se passe dans la région montréalaise en termes de transmission communautaire avant de prendre une décision éclairée. »

À quoi ressemblera l’été ? 

À Québec, le directeur de santé publique pour le CIUSSS de la Capitale-Nationale, François Desbiens, ne nourrissait pas l’espoir des estivants. 

« Les consignes vont être les mêmes : si vous avez un chalet, vous n’allez pas dans votre chalet, vous limitez vos déplacements », a-t-il dit. 

Le DDesbiens croit qu’il sera possible de faire quelques activités au cours de l’été, alors que les Québécois tenteront tout de même d’avoir des vacances dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

« Certaines activités sociorécréatives génèrent peu de contacts. Imaginons que je suis un pêcheur et que je pars avec quelqu’un avec qui j’ai été confiné. Je pars sur un lac dans un chalet, j’amène ma bouffe et je pêche pendant trois jours, et je reviens chez moi. J’ai l’impression que je n’ai pas contaminé grand-monde », a-t-il illustré. 

« C’est différent [que] de jouer au bridge avec quatre personnes toute une soirée. On devrait être en mesure de faire des choses. Ça devrait être annoncé bientôt. Il y a des activités qui ne sont génératrices d’aucun contact. Je pense qu’en tant que directeurs de santé publique, on va être capables de les mettre de l’avant bientôt », a-t-il ajouté. 

François Legault a pour sa part affirmé lundi que la réouverture graduelle de l’économie se ferait tant et aussi longtemps « qu’on garde le contrôle dans nos hôpitaux ». À ce jour, si la crise demeure aiguë dans les CHSLD, le nombre de patients atteints du coronavirus qui sont soignés aux soins intensifs est maîtrisé. 

Or, le premier ministre a fortement nuancé toute la question de l’immunité collective, alors que Québec préparait la semaine dernière la population au déconfinement en affirmant que rouvrir les écoles était une stratégie pour atteindre cette immunité afin de se protéger d’une deuxième vague de nouveaux cas de COVID-19 à l’automne. 

« Il y a des experts qui pensent que d’avoir la COVID-19, puis d’en être guéri, ça pourrait immuniser. C’est ce qu’on souhaite, tout le monde, parce que sinon, ça pourrait même être difficile de penser, à un moment donné, avoir un vaccin », a dit M. Legault.

« Par contre, ce n’est pas prouvé. Donc on ne doit pas prendre notre décision sur cette base-là, mais ça sera un bénéfice secondaire si jamais ça peut être le cas », a-t-il ajouté. 

COVID-19

Les entreprises qui rouvriront devront respecter la distanciation physique

Québec annoncera son plan de réouverture des entreprises mardi. Un plan étroitement associé à la décision de rouvrir les écoles primaires et les garderies le 11 mai en dehors de la Communauté métropolitaine de Montréal, puis le 19 mai dans la métropole et les couronnes nord et sud. La réouverture « va être très graduelle », a signalé le premier ministre François Legault lundi. « On ne veut pas, ni dans les transports en commun ni de façon générale, retourner trop de monde en même temps dans la société. » Les entreprises devront respecter des consignes sanitaires, comme la distanciation physique de deux mètres entre les travailleurs. Le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, a indiqué que des entreprises vont par exemple « pouvoir ouvrir à 50 % ». Si une entreprise ne respecte pas les consignes, elle « se met à risque de fermeture », a-t-il insisté, soulignant que le plan a été préparé avec la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail.

— Tommy Chouinard, La Presse

Déconfinement à petits pas en Ontario

Le confinement des près de 15 millions d’Ontariens commencera à être levé de façon graduelle d’ici deux à quatre semaines si les conditions le permettent, a indiqué lundi le gouvernement provincial.

« C’est une conversation que nous entamons aujourd’hui, a déclaré à Toronto le premier ministre Doug Ford dans son point de presse. Nous allons arriver au point ou nous pourrons rouvrir par étapes lorsque ce sera sécuritaire. »

Alors que nombre de provinces et de territoires dans le monde diffusent des dates précises sur les modalités de la réouverture, l’Ontario, au deuxième rang des provinces les plus touchées par la pandémie de COVID-19 au Canada après le Québec, dit vouloir donner aux gens « une carte routière plutôt qu’un calendrier » pour la suite des choses.

« Je comprends que les gens souffrent, les gens perdent leur emploi, ils veulent survivre… Je suis un homme d’affaires, je comprends. Ce que je dis aux gens, c’est tenez bon. Tenez bon encore un peu. » 

— Doug Ford

M. Ford a ajouté que le nombre de cas d’infection semblait avoir atteint « un sommet » dans la province, mais qu’il était trop tôt pour savoir combien de temps le sommet durerait.

Conditions

Parmi les indicateurs observés afin de lancer une réouverture partielle, les autorités veulent voir une diminution durable pendant deux à quatre semaines de nouveaux cas quotidiens de COVID-19, une assurance de pouvoir retracer 90 % des contacts des nouveaux cas d’infection dans un délai de 24 heures, d’avoir une capacité suffisante de tests et d’avoir assez de places en soins intensifs dans les hôpitaux pour faire face à une éventuelle recrudescence de la pandémie.

La réouverture se déroulera en trois étapes qui dureront de deux à quatre semaines chacune. Ce sont les autorités sanitaires de la province qui donneront le feu vert pour passer à une étape suivante, attendre ou plutôt resserrer les restrictions en cas d’augmentation des cas d’infection.

Lundi, le premier ministre Ford n’a pas voulu s’avancer sur le type d’entreprise qui pourrait être appelé à rouvrir dans une première étape du confinement.

« Je sais que les gens veulent le savoir, mais cela sera communiqué lorsque nous pourrons le faire de façon sécuritaire », a-t-il dit.

Le Dr David Williams, médecin hygiéniste en chef de l’Ontario, a dit lundi que les grands rassemblements comme les concerts et les évènements sportifs seront interdits pour encore plusieurs mois. Dimanche, la province a annoncé que les écoles publiques demeuraient fermées au moins jusqu’au 31 mai.

424 nouveaux cas

L’Ontario a rapporté 424 nouveaux cas de COVID-19 lundi, et 57 morts additionnels. Il s’agit du troisième jour de suite de diminution du nombre de nouveaux cas, et ce, malgré une hausse des tests quotidiens réalisés dans la province. On compte 14 856 cas d’infection confirmés en Ontario.

Samedi, des dizaines de personnes se sont rassemblées sur le terrain de l’Assemblée législative de l’Ontario pour réclamer la fin des mesures de confinement et la réouverture des entreprises et des espaces publics dans la province. À son apogée, la manifestation comptait environ 200 personnes.

Le même jour, Doug Ford a qualifié les manifestants anti-confinement de « bande de crétins » et a déclaré qu’ils étaient « égoïstes » et « irresponsables » pour avoir manifesté en rangs serrés, sans respecter les règles de distanciation physique mises en place pour freiner la propagation de la COVID-19.

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