Louis Hamelin, compagnon du doute

La maestria de Louis Hamelin lui a valu bien des éloges au moment de la publication de La constellation du Lynx, roman d’enquête qui creuse la crise d’Octobre 1970 et les mois qui l’ont précédée. Sa défense, d’abord littéraire, puis intellectuelle, d’une manipulation des felquistes par les autorités politiques et policières lui a toutefois valu d’être associé aux tenants des théories du complot.

« J’ai été associé à ces gens-là », admet l’écrivain. Ce n’est pas un compliment, il en est bien conscient. « Conspirationniste » ou « théoricien du complot » sont des étiquettes « infamantes », analyse-t-il. Louis Hamelin trace un parallèle avec les années 50 : « Si on voulait discréditer quelqu’un [à cette époque], on le taxait de communiste. De nos jours, on le traite de conspirationniste. »

Le romancier, qui se définit comme un « conspirationniste critique », ne prétend pas détenir des preuves absolues de ce qu’il avance dans La constellation du Lynx. « Je prétends avoir fait une recherche sérieuse et établi une interprétation solide et globale de ces événements-là, affirme-t-il toutefois. Je reconnais que je prétends qu’il y a une certaine conspiration – peu importe la forme. »

Des tenants des théories du complot, qui voyaient l’Opus Dei ou la CIA derrière les événements d’octobre 1970, Louis Hamelin en a croisé. Il a cependant tenu à s’en distancier. « Il faut quand même faire appel à la notion de gros bon sens si on ne veut pas se mettre à délirer, juge-t-il. Il faut examiner les preuves et les éléments qu’on a en main, faire une recherche sérieuse, ce que la plupart des gens qui délirent sur JFK ou d’autres sujets sur l’internet ne font pas. »

FICTIONS ET RÉALITÉ

Trois ans après la publication de son roman brillant et controversé, Louis Hamelin a poussé la note en signant un texte dans la revue l’Inconvénient, où il abordait les théories du complot comme un sous-genre de fiction littéraire. « Il y a tellement d’imagination là-dedans », signale l’écrivain, tout en soulignant que sa posture tenait « un peu » de la provocation.

« L’art des théories du complot est de faire des liens », selon lui. L’internet est le « Klondike » des complotistes puisque c’est dans la nature même de ce média de tisser des liens entre les gens et les idées. « Le conspirationnisme actuel pour moi, c’est la rencontre de notre monde surinformé et d’une certaine pensée religieuse, c’est-à-dire la recherche d’une explication unique derrière la complexité, réfléchit-il. Je regarde ça d’un air amusé. »

Le « gros bon sens » l’empêche d’accorder du mérite aux théories des truthers américains, selon lesquels il n’y avait ni pilote ni terroriste dans les avions qui ont percuté les tours jumelles au matin du 11 septembre 2001.

« C’est devenu un réflexe chez certaines personnes de mettre en doute l’explication quand elle vient d’en haut, d’un gouvernement ou autre. C’est un symptôme intéressant de notre époque. »

— Louis Hamelin, écrivain

Or, il croit que, dans ce domaine comme dans bien d’autres, ce sont les extrémistes qui nuisent aux gens sérieux. « Le premier mouvement de scepticisme devant une vérité officielle ou une explication qui semble trop simple ou trop belle, je le trouve très sain, dit-il. Après, il faut de la rigueur. »

« La manipulation de l’information, ça existe, on le voit tous les jours dans le monde politique et dans les affaires. Ce qu’on appelle les conspirations, c’est souvent une manipulation extrême de l’information, estime-t-il. Si on ne peut plus réfléchir librement à ces choses-là comme intellectuel parce qu’on a peur d’être traité de conspirationniste, c’est dommage. »

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