Pas de répit pour la couche d’ozone

Il n’y en aura pas de facile. Malgré trois décennies de progrès, la couche d’ozone, qui protège l’humain des rayons ultraviolets, est menacée par certains chlorofluorocarbones, en augmentation.

Sous-produits

« La concentration atmosphérique de cinq chlorofluorocarbones (CFC) en théorie interdits a augmenté entre 2010 et 2020 », explique Luke Western, de l’Université de Bristol, en Grande-Bretagne, durant une conférence de presse. « Dans deux cas, nous ne comprenons pas ce qui se passe. C’est inquiétant. »

Les trois phénomènes explicables décrits par l’étude publiée lundi dans la revue Nature Geoscience – soit l’augmentation des taux de CFC-113a, CFC-114a et CFC-115 – sont liés à la production chimique. « Il n’y a pas de raison d’avoir autant d’émissions de ces trois CFC », dit un autre coauteur, Stefan Reimann, des Laboratoires fédéraux suisses de Dübendorf. « C’est un problème, mais on peut le régler. »

Plus préoccupant : aucun procédé industriel connu ne peut expliquer des taux aussi élevés pour les deux autres CFC dont les taux augmentent. « Ça doit donc être des sous-produits inattendus de certaines réactions », suppose M. Western.

Un trou en Antarctique

Le trou dans la couche d’ozone se forme en Antarctique, parce qu’il faut du froid pour que s’opère la réaction chimique impliquant les CFC responsables de la destruction des molécules d’ozone. Il atteint son maximum en septembre ou en octobre, chaque année. La couche d’ozone protège la Terre des rayons ultraviolets du Soleil qui augmentent notamment le risque de cancer. Comme les CFC mettent un siècle à se dégrader, le trou dans la couche d’ozone – qui a commencé à rapetisser depuis 2010 – ne disparaîtra pas avant 2080. Ce trou a été détecté en 1989 et la production de la plupart des CFC a été interdite à partir de 2009.

Réchauffement 

Pour le moment, cette augmentation des taux de cinq CFC n’a pas compromis la résorption du trou dans la couche d’ozone, selon M. Western. « Mais qui sait ce qui nous attend si on ne s’attaque pas au problème ? » Par contre, les cinq CFC identifiés dans l’étude de Nature Geoscience aggravent d’environ 1 % le réchauffement de la planète, parce qu’ils sont des gaz à effet de serre particulièrement puissants.

Kigali

Les successeurs des CFC comme réfrigérants, les hydrofluorocarbures (HFC), sont bénins pour la couche d’ozone, mais ont presque le même potentiel de réchauffement de la planète. Pour cette raison, leur élimination et leur remplacement par d’autres molécules, probablement les hydrofluoroléfines (HFO), ont été prévus en 2016 par l’accord de Kigali (ratifié en 2017 par le Canada et en 2022 par les États-Unis).

« Il faut maintenant se demander s’il y aura des sous-produits de la production de HFO qui seront des CFC », a dit M. Western. Parisa Ariya, chimiste à l’Université McGill, indique que l’utilisation des HFC diminue partout en Occident, notamment au Canada.

« Mais la couche d’ozone est complexe et ses interactions avec le climat aussi », prévient-elle.

Son collègue Patrick Hayes, de l’Université de Montréal, s’inquiète lui aussi de voir un nouvel écueil survenir dans la guérison de la couche d’ozone. « C’est assez surprenant. Après la controverse sur les émissions illégales de CFC en Chine, voilà un autre problème. Quand cela va-t-il s’arrêter ? »

L’énigme chinoise 

La production illégale de CFC-11 en Chine a été détectée en 2018 et les usines ont été fermées. Mais cela demeure un sujet délicat. « Nous n’avons pas accès aux données chinoises sur les émissions de CFC malgré nos collaborations avec des chercheurs chinois », dit M. Western. Son collègue Stefan Reimann rapporte que des stations de mesure en Corée du Sud peuvent couvrir une partie de la Chine. « Disons qu’il y a de la place à l’amélioration dans le partage des données. »

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