OPINION ÉDUCATION

Le Québec en retard

La question des compétences émotionnelles et sociales n’est pas assez abordée dans nos écoles

L’éducation est connue pour ses débats nombreux et parfois intenses. Pourtant, il y a un sujet peu abordé dans les classes du Québec qui représente un besoin criant en éducation et qui suscite l’intérêt de la majorité des jeunes. Un sujet qui favorise la tolérance et l’intégration, qui aide à prévenir les conflits, l’intimidation et les suicides. Ce sujet est celui des compétences émotionnelles et sociales (CES) (social and emotional learning).

Les CES sont les habiletés responsables de l’intelligence émotionnelle et du jugement comme le contrôle des émotions, l’empathie, la diplomatie, la politesse, l’attention aux autres et le raisonnement social. Les CES sont essentielles au succès des relations interpersonnelles et sont de plus en plus recherchées chez les employeurs. À l’école, en plus de réduire les conflits, ces compétences réduisent le stress des élèves et des enseignants et elles améliorent l’ambiance générale.

L’intelligence émotionnelle n’est pas qu’une question de gènes ou de tempérament. Elle est influencée par la famille et l’entourage. Cependant, tout le monde sait que les CES des adultes varient énormément et qu’elles peuvent comporter certaines lacunes.

L’école peut et doit jouer un rôle majeur dans l’acquisition des CES car elles ont un impact majeur sur l’adaptation, l’employabilité et la qualité de vie.

De nombreuses écoles abordent déjà des CES comme le respect ou l’intimidation, mais sans les intégrer dans un canevas général de l’être humain avec ses forces, ses faiblesses, ses besoins et ses désirs. Les comportements antisociaux comme l’intimidation doivent être désapprouvés, mais on peut mieux les désamorcer quand on comprend les besoins de fierté et la compétition sociale. Les comportements prosociaux comme la bienveillance et la diplomatie pourraient être favorisés si on faisait la promotion de leurs avantages sur le stress, la réputation et les relations sociales. La moralité et la maturité se construisent sur des savoirs et des savoir-être qui doivent être mis en contexte.

De grandes compilations d’études scientifiques indiquent que l’apprentissage émotionnel et social à l’école améliore les attitudes, le bien-être psychologique, les habiletés sociales et l’adaptation sociale.

Des millions d’élèves américains et australiens suivent des programmes systématiques comme Second Step, Responsive Classroom ou Mind Matters donnés à raison d’une à deux heures par semaine jusqu’à la fin du primaire ou du secondaire. Au Canada, les CES sont enseignées surtout en Colombie-Britannique et en Ontario. Où est le Québec en matière de CES ? Si les tests internationaux mesuraient les CES, où se classeraient nos jeunes ?

Les besoins en enseignement des CES sont criants. La proportion d’élèves ayant des difficultés liées aux CES est de plus de 20 %, et 100 % des élèves sont préoccupés par les relations sociales.

L’enseignement des CES ne fait pas disparaître les problèmes de comportement, mais il fournit des habiletés sociales, une régulation du comportement et une protection émotionnelle qui durent toute la vie.

On peut facilement deviner les obstacles. Il n’y a pas d’argent pour ça. Les enseignants sont déjà surchargés et pas assez formés en CES. Où va-t-on insérer ce contenu (cours d’éthique ou un peu partout) ? Ces obstacles sont réels, mais ils peuvent être surmontés si on s’y met pour nos jeunes. On peut commencer en formant quelques personnes ressources dans chaque école et en formant tous les futurs enseignants aux CES.

L’enseignement des CES est très valorisant pour l’enseignant, car c’est un des sujets préférés des élèves, mais aussi parce qu’il devient un partenaire essentiel de l’expertise sociale de nos enfants et de la prévention en santé mentale. Le défi en vaut la peine.

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