Retards dans les livraisons du vaccin de Pfizer

la bataille est loin d’être gagnée

La diminution des livraisons du vaccin de Pfizer chamboule le calendrier de vaccination au Québec. Une raison de plus pour ne pas baisser la garde, même si le nombre d’infections est à la baisse et qu’une stabilisation du nombre d’hospitalisations est projetée.

Près de la moitié des doses de vaccin que le Québec devait recevoir de la société Pfizer pendant les trois prochaines semaines ne pourront pas être livrées à temps, a annoncé le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) vendredi après-midi.

Les retards sont dus aux travaux d’agrandissement de l’usine européenne de Pfizer, où sont produits les vaccins livrés au Canada. À l’exception des États-Unis, « tous les pays qui obtiennent le vaccin de Pfizer seront affectés de la même manière. Tout le monde va devoir composer avec une réduction de 50 % », a indiqué vendredi matin le major-général Dany Fortin, vice-président de la logistique et des opérations à l’Agence de la santé publique du Canada.

Le Québec devait recevoir 46 800 doses du vaccin de Pfizer par semaine pour les semaines du 18 et du 25 janvier. Ces chiffres sont maintenant révisés à 41 925 doses pour la semaine du 18 janvier et à seulement 8775 doses la semaine suivante. La livraison du 1er février a été revue à 39 000 doses, plutôt que les 82 875 initialement prévues. Au total, le Québec recevra un peu plus de la moitié des vaccins attendus, soit 89 700 sur 176 475.

« Cette diminution des arrivages implique une révision des objectifs [de vaccination] présentés ces derniers jours. Les équipes du MSSS travaillent activement à établir une nouvelle planification de la distribution des doses en conséquence, selon les priorités de vaccination établies », peut-on lire dans le communiqué du MSSS.

De la lumière, mais beaucoup de nuages

La nouvelle est venue rappeler que la bataille est loin d’être gagnée, retard de livraisons de vaccins ou pas.

« Ce qu’on vit actuellement, c’est ce qu’on a vécu après la première vague. Ce sont des cycles qui, tant qu’on n’aura pas complètement maîtrisé ce virus, vont revenir », explique le DAlexis Turgeon, médecin spécialiste en soins intensifs à l’hôpital de l’Enfant-Jésus du CHU de Québec-Université Laval.

Bien que le nombre de personnes hospitalisées ait continué à augmenter cette semaine, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) s’attend en effet à observer d’ici peu une stabilisation des hospitalisations, selon un rapport paru jeudi. Sur 17 115 personnes infectées à la COVID-19 depuis une semaine, 821 sont à risque de se retrouver à l’hôpital. C’est 3 % de moins que la semaine précédente.

Selon M. Turgeon, ces chiffres ne doivent pas justifier un relâchement de la vigilance des Québécois, car cette diminution des indicateurs pourrait être une « fausse assurance ». « On ne s’est pas encore débarrassés de ce virus. On doit le contenir et on doit continuer à vacciner. Voir le nombre de cas diminuer, ça ne veut encore rien dire, ça ne veut surtout pas dire que la situation est maîtrisée », insiste l’intensiviste.

« Depuis le début de la pandémie, on voit des cycles d’arrivées dans nos hôpitaux qui durent plusieurs mois. Il n’y a aucune raison de croire qu’on n’en reverra pas un autre tant que la vaccination n’est pas complétée. »

— Le Dr Alexis Turgeon, du CHU de Québec-Université Laval

D’ailleurs, dans son rapport, l’INESSS note qu’« un risque de dépassement des capacités dédiées d’ici les trois prochaines semaines reste toutefois réel » dans le Grand Montréal, où plus de 80 % des lits désignés sont occupés.

Quel rôle jouera l’école ?

Pour l’experte en politiques publiques de l’École de santé publique de Montréal (ESPUM) Marie-Pascale Pomey, les projections des hospitalisations doivent être interprétées « avec prudence ». « Avec la réouverture des écoles, il peut y avoir la possibilité que le virus se remette à circuler davantage dans la population. On en verrait alors l’impact à partir du 20 janvier », avance-t-elle.

Mme Pomey rappelle que la circulation du virus est en fin de compte « très cyclique ». « Ça fonctionne par vagues qui redescendent, comme on le sait. Ça a commencé à Montréal, et ensuite, ça s’est déplacé, avant de revenir ici. Le virus se balade, et on ne peut pas prévoir sa trajectoire, d’autant qu’on apprend encore à le connaître », illustre-t-elle.

Quelles mesures casseront donc la répétition de ces cycles ? « C’est vraiment d’avoir des capacités de dépistage plus rapide. Il faut aller le plus près possible des grands propagateurs, les identifier avec des tests rapides et les isoler, pour ensuite voir l’impact que ça a dans différents milieux », répond l’experte.

Selon elle, une « autre arme » sera la distribution de tests sérologiques à une majorité de la population, qui devrait être autorisée sous peu. « Ça nous permettra alors de savoir qui est immunisé et qui ne l’est pas. On pourra alors développer des stratégies ciblées pour s’assurer que les personnes non immunisées ne propagent pas la maladie », poursuit Mme Pomey.

1918 nouveaux cas, 60 décès

Alors que le nombre d’hospitalisations a diminué pour la première fois en cinq jours au Québec, les autorités ont rapporté vendredi 1918 nouveaux cas de COVID-19 ainsi que 60 décès supplémentaires à l’échelle de la province. De nouveau, c’est la région de Montréal qui est la plus touchée par ces décès, avec 26 morts supplémentaires, suivie de la Capitale-Nationale et de la Montérégie, qui en recensent chacune 8. La région de la Mauricie et du Centre-du-Québec déplore pour sa part 6 décès, alors que l’Estrie en compte 3.

Les régions de Laval, de Lanaudière et du Saguenay–Lac-Saint-Jean comptent chacune 2 morts de plus. Le Bas-Saint-Laurent, Chaudière-Appalaches et les Laurentides enregistrent pour leur part un décès. Dans le réseau de la santé, le nombre d’hospitalisations a diminué de 27 par rapport à la veille – soit 146 entrées et 173 sorties – pour repasser sous la barre des 1500. Actuellement, 1496 patients sont hospitalisés au Québec, dont 231 se trouvent aux soins intensifs, soit un de plus que la veille.

« Il est encore trop tôt pour voir les effets du resserrement des mesures mis en place samedi dernier. On doit donc tous continuer nos efforts et continuer de respecter les mesures sanitaires si on veut améliorer la situation. »

— Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux, sur Twitter

Le nombre de prélèvements, lui, demeure stable. Mercredi, le Québec a en effet réalisé 39 981 tests de dépistage. Québec a administré 11 369 doses de vaccins jeudi, portant le total à 127 073 depuis le début de la campagne. Ainsi, 1,44 % de la population québécoise a reçu au moins une dose.

Éclosion au parc Jean-Drapeau

La Société du parc Jean-Drapeau (SPJD) a confirmé vendredi qu’elle faisait face à sa première éclosion de COVID-19, « après dix mois de pandémie ». « Heureusement, la source a été identifiée et la situation est sous contrôle. Nous avons huit cas confirmés et, malgré quelques symptômes, les personnes affectées se portent bien », a assuré un porte-parole, François Cartier, précisant que l’éclosion ne provenait pas de clients.

M. Cartier affirme que l’organisation demeure en communication constante avec la Direction régionale de santé publique de Montréal. Si la SJPD poursuit tout de même son offre d’activités hivernales, soit le patin, le ski de fond, la glissade libre, le vélo à pneus surdimensionnés (fatbike) et la randonnée, des mesures de prévention ont été mises en place.

« Nous avons fermé pour l’instant certains postes de service à la clientèle. Nous avons également modifié l’horaire de travail de certains employés terrain afin d’éviter les croisements et les contacts étroits entre employés », a précisé le porte-parole.

Retrait préventif des élèves

La Santé publique de Montréal émet des recommandations plus strictes

À cause d’une plus grande transmission communautaire dans la région, les élèves de l’île de Montréal devront désormais se soumettre à un test de dépistage immédiatement s’ils présentent des symptômes liés à la COVID-19. Ils devront aussi être retirés de leur classe si un membre de leur bulle familiale présente ces symptômes et est en attente d’un résultat de test de dépistage. Ces nouvelles recommandations sont plus strictes que celles imposées à la grandeur du Québec. Ailleurs qu’à Montréal, un élève doit présenter des symptômes comme de la fièvre et de la toux pendant 24 heures avant que ses parents doivent l’amener faire passer un test de dépistage. La Santé publique de Montréal recommande également qu’un enfant soit retiré de sa classe si une personne dans sa bulle familiale, un parent ou un enfant, a des symptômes et est en attente du résultat d’un test de dépistage.

— Antoine Trussart, La Presse

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