Le « bruit brun » serait-il miraculeux ?

Sur TikTok, une jeune femme, écouteurs sur les oreilles, entend pour la première fois du « bruit brun ». Elle paraît surprise et augmente le volume. « Est-ce réel ? se questionne-t-elle. Où sont passées mes pensées ? »

Plusieurs vidéos TikTok ont émergé dans les derniers mois sur le brown noise ou le « bruit brun ». Le mot-clé a plus de 80 millions de vues. La vidéo la plus populaire, de la tiktokeuse Natalya Bubb, a attiré quant à elle plus de 10 millions de curieux. YouTube et Spotify regorgent aussi de listes de lecture consacrées à ce son.

Des internautes lui ont attribué des vertus – le son aiderait à réduire le stress, à se calmer, à mieux dormir ou même à se concentrer. Le bruit brun a notamment circulé dans des communautés virtuelles qui regroupent des gens avec un TDAH, et certains disent avoir vu de réels bénéfices dans leur vie.

Qu’est-ce que le bruit brun ?

Le bruit brun fait partie des bruits colorés. Il y a le plus connu, le bruit blanc, mais aussi le bruit rose, le bruit bleu, le bruit gris et plusieurs autres. Son nom viendrait du botaniste écossais Robert Brown, qui a découvert le « mouvement brownien » à travers son microscope où des grains de pollen s’activaient de façon continue et aléatoire.

À l’instar du bruit blanc, le bruit brun contient toutes les fréquences, mais se distingue en contenant plus de basses fréquences, explique Romain Dumoulin, consultant en acoustique pour la firme Soft dB.

Une chute d’eau, le vrombissement d’un ventilateur, une pluie torrentielle ou des vagues qui déferlent sur une plage – le bruit brun évoque plusieurs sons qu’on retrouve dans notre environnement.

Aurait-il des vertus ?

Pour Carlène Lemoyne, le bruit brun lui rappelle le voyage. « Je me sens comme quand je suis dans un autobus voyageur », dit-elle.

« Je dors beaucoup mieux depuis que je l’utilise et j’ai vu ma concentration s’améliorer », explique l’étudiante de 27 ans. Celle-ci a découvert le bruit brun grâce à l’algorithme de YouTube, qui lui a suggéré une vidéo dudit bruit après le visionnement de vidéos d’ASMR (l’ASMR est une technique de relaxation par les sensations, souvent des frissons ou des picotements au niveau du crâne ou des zones périphériques du corps, en réponse à un stimulus visuel, notamment).

Alex Desautels, professeur à l’Université de Montréal et directeur médical du Centre d’études avancées en médecine du sommeil de l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, concède que la science dévoile peu de choses sur les bruits colorés et le sommeil.

« Les études détaillent peu les sons qui sont utilisés, en termes de couleurs – comme le brun, le rose ou le blanc – et en termes d’intensité », explique-t-il. Toutefois, si des gens expérimentent des ruptures de sommeil à cause de bruits, « ça a du sens qu’un bruit ambiant puisse favoriser un sommeil plus continu ».

Alex Desautels voit l’intérêt des bruits colorés pour certains patients « qui dorment dans des environnements bruyants où il y a, par exemple, de la circulation, des travaux ou des trains qui passent » ou « ceux qui ont des acouphènes ».

Certaines études ont examiné les avantages du bruit blanc pour les enfants qui ont un TDAH. La plupart ont remarqué un effet positif sur les performances cognitives de ceux-ci, notamment pour la lecture, mais celles-ci suggèrent de plus amples recherches sur le sujet. Pour leur part, les études sur le bruit brun se font plus rares et doivent être approfondies.

Martin Leduc, psychologue spécialiste du TDAH et de l’attention, conseille le bruit brun et blanc à certains de ses patients.

« En utilisant un bruit blanc ou brun, on vient couvrir les sons et créer un nouveau niveau de silence. Si le bruit blanc est de 20 décibels, les autres petits bruits ou sons de la vie viendront s’y perdre. Cela aide à l’attention en réduisant les distractions. »

– Martin Leduc, psychologue spécialiste du TDAH et de l’attention

Le consultant en acoustique Romain Dumoulin croit qu’on devrait attribuer le mérite au « phénomène de masquage », soit un bruit qui masquerait les autres sons.

Maintenant, pour ce qui est du choix de bruits colorés, Alex Desautels avoue que cela importe peu. « Honnêtement, ça devrait être ce qui est le plus agréable pour le patient », explique-t-il.

Un avantage de ces bruits : pas d’effets secondaires, mais il faut s’en tenir à un volume raisonnable, clament les experts.

Carlène Lemoyne affirme que le bruit brun n’est pas pour tout le monde. « Je trouve ça difficile parfois d’en parler avec les autres, parce que pas tout le monde ne ressent la même chose. »

Mais pour elle, les effets sont réels. « Je riais de ça aussi avant, mais finalement, je ressens des effets physiques en écoutant le bruit. Ça m’a vraiment aidée, sans le savoir », dit l’étudiante, qui affirme vouloir utiliser le bruit brun encore longtemps.

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