Opinion

Pour un plan Marshall du XXIe siècle

La crise de la pandémie exige des réponses inédites à plusieurs niveaux. À court terme, il faut agir en mode « urgence » pour protéger les plus vulnérables comme les aînés, pour s’assurer que le système de santé suffise à la tâche et pour compenser les pertes de revenus de milliers de travailleurs et d’entreprises. À cet égard, les gouvernements font leur travail en s’ajustant au jour le jour. Les partis de l’opposition apportent leur contribution pour bonifier les mesures temporaires dans un contexte de mobilisation nationale.

Cependant, à moyen et à long termes, la crise doit être vue comme une opportunité à saisir pour unifier trois enjeux contemporains : propulser le Québec dans une économie verte et durable, créer de la richesse de façon juste et lutter efficacement contre la crise climatique.

J’ai proposé il y a quelques semaines un « Plan Marshall du XXIe siècle ». Ce titre est inspiré du célèbre programme américain de reconstruction de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale. Retenons-en l’image forte de mobilisation et de reconstruction après un effondrement socio-économique sans pareil. D’autres propositions, dont celle d’une coalition d’une quinzaine de groupes et d’experts aussi diversifiés que le Conseil du patronat, Équiterre, le Chantier de l’économie sociale et la FTQ, ont aussi interpellé le gouvernement pour agir en ce sens dès la mi-avril.

Mon plan se décline en cinq points :

1. Investir dans les infrastructures publiques vertes : prioriser la réalisation d’infrastructures majeures de transport collectif et actif, lancer une vaste corvée d’efficacité énergétique dans les immeubles, soutenir massivement l’électrification des transports, consacrer une part importante des investissements annuels en infrastructures publiques dans le verdissement des villes, villages, écoles, hôpitaux et CPE.

2. Soutenir une véritable transition vers l’économie verte : renoncer à tout projet en énergie fossile pour plutôt développer des produits verts tirés de nos ressources naturelles abondantes et fortement créateurs d’emplois comme la fibre cellulosique, l’aluminium sans GES et la filière des énergies renouvelables (biomasse, biométhanisation, gaz naturel renouvelable), mettre en place des mesures fiscales en soutien à l’innovation, protéger les petites entreprises, encourager l’achat local et l’autonomie alimentaire, développer l’économie sociale et circulaire qui servent un marché local ou régional.

3. Favoriser une transition juste vers cette nouvelle économie : s’assurer que les travailleurs soient des acteurs et non des spectateurs de la transformation de leur milieu de travail en dialoguant avec les syndicats et en soutenant la formation de la main-d’œuvre, entre autres.

4. Tenir compte des impacts sur la santé publique de chacune des décisions économiques : considérant que Lancet Countdown, référence en santé, affirme que les changements climatiques constituent la plus grande menace du siècle pour la santé, il faut impérativement intégrer le savoir scientifique, les considérations relatives à la santé et à la résilience du réseau de soins dans l’élaboration des politiques publiques et de développement économique.

5. Décentraliser vers les régions : la crise démontre que les premières institutions interpellées sont les établissements de santé locaux, les directions régionales des ministères et les municipalités alors que nous avons un réseau de santé très centralisé. Il faudra enfin poser un véritable geste de confiance et de démocratie envers les communautés locales, inspiré notamment de l’Allemagne où chaque Länder prend ses décisions propres en s’interrogeant sur la prochaine étape pour éviter les contaminations.

Actuellement, seuls les ministres des Finances, de l’Économie, de l’Emploi et du Conseil du trésor sont membres de l’escouade de relance annoncée par le premier ministre. Je propose d’y ajouter les ministres de l’Environnement et de la Santé. La présence du titulaire de l’Environnement autour de la table permettrait entre autres de coordonner l’utilisation du Fonds vert et du Fonds des générations, le cas échéant, pour financer les mesures du plan.

Cette crise démontre plus que jamais l’importance du rôle de l’État pour assurer un filet social et un soutien au revenu. Tant mieux ! Mais le système actuel démontre aussi son manque d’agilité. Les ratés dans les CHSLD et en éducation l’ont malheureusement démontré. Dans la mise en œuvre d’un large plan de reconstruction s’étalant sur plusieurs années, il devient nécessaire plus que jamais d’adopter une loi sur le respect des obligations climatiques du Québec, imposant du coup une gouvernance claire et une vision commune dans l’administration publique.

Les plans de relance annoncés auront un impact majeur sur les orientations du Québec de demain. Nous avons tout ce qu’il faut pour nous projeter comme leader mondial dans la mise en place d’un système innovant qui rompt avec le paradigme d’avant la COVID-19. Saisissons cette occasion unique ! Comme indépendantiste, j’ai également la conviction qu’un tel plan de reconstruction mettrait aussi la table pour que le Québec devienne le premier pays à demander son adhésion à l’ONU après la pandémie et doté d’un plan exemplaire vers une économie carboneutre et juste pour tous.

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