Le forum des affaires OPINION

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Forum des affaires

L’entreprise peut-elle être une force pour le bien commun ?

Le fossé entre ceux qui prospèrent et ceux qui souffrent dans notre pays se creuse. Alors que beaucoup profitent de meilleures occasions, de salaires plus élevés et d’une meilleure santé, trop d’entre nous se heurtent à de graves problèmes. Le milieu des affaires peut aider.

Malgré la pandémie, on constate que le Canada a connu une croissance économique. Les indicateurs économiques sont plutôt bons. Néanmoins, en même temps, nous assistons à des défis très importants dans nos communautés. Il n’est pas difficile d’observer des enjeux sociaux importants : le taux croissant de violence armée dans la ville de Montréal, l’inaccessibilité du logement, un système de santé à risque et l’augmentation de l’itinérance et de la pauvreté n’en sont que quelques exemples. La juxtaposition d’une augmentation simultanée de la richesse et de l’augmentation des troubles sociétaux est alarmante.

En 1778, dans son livre The Wealth of Nations, Adam Smith, le père de l’économie moderne, a écrit à propos de la désormais célèbre « main invisible » des marchés. C’est une référence à la manière dont le marché libre, sans intervention gouvernementale ou autre, atteindra les équilibres et les avantages corrects pour la société. Cette main invisible a gouverné la société occidentale jusqu’à présent. Beaucoup ont été laissés pour compte. Il est temps de trouver « le cœur » du marché !

Sir Ronald Cohen, un financier britannique, cofondateur d’Apax Partners (un fonds de capital-investissement qui a levé plus de 60 milliards US), est un véritable capitaliste. Il plaide pour un capitalisme plus percutant et vertueux. Comme le titre de son livre paru en 2020 Impact : Reshaping Capitalism to Drive Real Change l’indique, il pense que le moment est venu d’apporter des changements importants à nos moteurs économiques. M. Cohen utilise le terme « le cœur invisible » des marchés. Et c’est peut-être exactement ce qui nous manque : un milieu des affaires plus percutant et plus compatissant.

L’attaque plutôt que la défense

L’ESG (environnement, société, gouvernance) est un mécanisme de défense – ce que les entreprises ne devraient pas faire. L’ESG a comme objectif de faire des investissements qui ne nuisent pas à la société. Les entreprises sont, pour la plupart, sensibilisées et de plus en plus investies dans les initiatives ESG. Leur objectif est de s’assurer que l’entreprise ne se livre pas à des activités qui rendront notre monde pire qu’il ne l’est. Toutes les démarches vers la prophylaxie qu’est l’ESG sont formidables. Mais ne pas faire le mal ne suffit pas. Je ne parle pas de défense. Je veux parler d’offensive !

En 2019, l’OCDE a publié L’initiative de l’OCDE sur l’investissement à impact social. Selon elle, « l’investissement à impact social fournit des financements aux organisations répondant à des besoins sociaux et/ou environnementaux dans l’attente explicite d’un rendement social et financier mesurable ».

Que faisons-nous en tant que chefs d’entreprise dans ce pays pour le rendre meilleur ? Pouvons-nous investir d’une manière qui à la fois offre des rendements économiques et participe au bien commun ?

C’est ce que nous appelons l’action positive de l’investissement à impact social. Il s’agit d’un investissement destiné à faire le bien ; un investissement destiné à rendre notre société meilleure. Un investissement qui est motivé non seulement par des rendements économiques, mais aussi par un impact positif sur la société.

Pensez par exemple à la microfinance, à l’environnement, à l’eau potable, à la réhabilitation des criminels, aux soins de santé, à la réduction de la pauvreté et du sans-abrisme, à la réduction des taux de criminalité, à la réconciliation avec les peuples autochtones, à la construction d’écoles et à tout ce qui contribue à rendre notre monde meilleur, au-delà du rendement économique. Il s’agit d’un argument en faveur d’un investissement qui va au-delà de l’argent et qui vise à faire plus de bien à la société.

La main invisible a dominé les marchés pendant des décennies. Ce serait merveilleux que le cœur invisible y participe dorénavant. Dans ce monde où il y a tant de richesses, nous devons désormais investir avec le double objectif de rendement et de bien. L’expression « profits avec un but » a été utilisée et rend parfaitement cette idée : rechercher un profit qui est mesuré par un impact social.

Selon Larry Fink, PDG de BlackRock, une société mondiale de gestion d’investissements, [traduction] « le but n’est pas la seule poursuite des profits, mais la force motrice pour les atteindre. Les bénéfices ne sont en aucun cas incompatibles avec le but – en fait, les bénéfices et le but sont inextricablement liés ».

Plusieurs entreprises l’ont déjà fait dans le monde : Unilever, Toms, Ben & Jerry’s, Allbirds, USAA, Chick-fil-A, Patagonia et bien d’autres. The Rise Funds, parrainé par l’un des meilleurs groupes de capital-investissement au monde, à savoir TPG Capital, dispose de 13 milliards US d’actifs sous gestion investis dans « le bien ».

Les entreprises qui s’engagent activement dans l’investissement à impact social devanceront très bientôt tous leurs concurrents motivés uniquement par le rendement économique. Clients, fournisseurs et employés garantiront ce résultat ! Les entreprises à impact négatif seront perdantes !

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