Sur « pause » trois semaines de plus

Ce n’est plus jusqu’au 13 avril, mais bien jusqu’au 4 mai que les entreprises et commerces jugés non essentiels devront rester fermés, a annoncé le premier ministre François Legault. Malgré une nouvelle initiative pour stimuler l’achat local, les entrepreneurs continuent de craindre pour leur survie.

COVID-19

Legault prolonge le confinement

Le Québec reste « sur pause » plus longtemps : toutes les entreprises et tous les commerces non essentiels demeureront fermés jusqu’au 4 mai, trois semaines de plus que prévu. Car le coronavirus poursuit sa progression. « Tant qu’on n’aura pas vu une baisse du nombre de cas, on ne peut pas penser rouvrir », a signalé le premier ministre François Legault. Entre-temps, le gouvernement lance la plateforme web Le Panier Bleu pour promouvoir l’achat local. Compte rendu.

« Phase encore plus critique »

« On rentre dans une autre phase encore plus critique dans les prochains jours, les prochaines semaines, une phase qui va être décisive dans la bataille », a déclaré François Legault lors de son point de presse de dimanche. Le nombre de cas confirmés de COVID-19 a bondi de 947 en 24 heures pour atteindre 7944. Dix-neuf morts s’ajoutent, pour un total de 94. Quelque 525 personnes infectées par le coronavirus sont hospitalisées (+ 47), dont 154 se trouvent aux soins intensifs (+ 24). 

« Comme vous le voyez avec les chiffres aujourd’hui, on est toujours dans la pente ascendante. On espère, dans les prochaines semaines, atteindre un sommet », a affirmé le premier ministre, rappelant que le gouvernement dévoilera ses projections mardi. « Mais il reste qu’on en a encore pour quelques semaines, puis après il va falloir s’assurer qu’on est dans la pente descendante avant de reprendre les activités normales. » 

Au début de la pandémie, Québec s’attendait à un « pic » ces jours-ci, autour du 5 avril. Or, il a laissé entendre à la communauté médicale que le sommet serait atteint au moins une semaine plus tard, voire deux. La progression du coronavirus se poursuit, mais de façon moins abrupte qu’anticipé grâce aux mesures de confinement.

Fermeture prolongée

Dans ce contexte, le premier ministre ne peut desserrer l’étau. Le confinement doit se poursuivre. Il a pris la décision de prolonger la fermeture des entreprises et des commerces non essentiels. Le 23 mars, il avait appuyé sur le bouton rouge de son tableau de bord en décrétant cette fermeture jusqu’au 13 avril. Son bouton restera finalement enfoncé jusqu’au 4 mai. 

C’est « pour se donner le plus de chances possible, qu’il y ait le moins de contacts physiques, le moins de transmission » du virus, a-t-il expliqué. Cette annonce était hautement prévisible. Québec avait déjà décidé de prolonger la fermeture des écoles au 1er mai – et bien des doutes subsistent sur un retour en classe à ce moment. Québec reconnaît les impacts économiques de sa décision, mais il ne les a pas chiffrés. 

La santé publique doit primer l’économie pour le moment, selon M. Legault. Un « équilibre » entre les deux sera retrouvé plus tard. Quelque 400 entreprises ont lancé un appel à l’aide auprès d’Investissement Québec jusqu’ici, des demandes avoisinant le milliard de dollars.

« L’après »

Québec se prépare pour « l’après », comme l’a résumé François Legault. Lorsque la pente du nombre de cas « va descendre », « on va rouvrir certaines entreprises », a-t-il indiqué. « Je pense qu’on peut s’imaginer que les entreprises qui sont capables de fonctionner avec des employés qui restent à deux mètres les uns des autres, bien, elles vont être privilégiées. Les régions ou les sous-régions où il y a moins de cas, où les cas sont en baisse plus rapidement, peuvent être aussi les premières à être rouvertes. » 

Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a ajouté que le gouvernement « planifie la relance de l’activité économique du Québec ». « On prépare déjà une réouverture géographique, on prépare une réouverture sectorielle. Il y aura une récupération rapide dans certains cas, mais il y aura vraisemblablement une récupération qui va être différée dans d’autres cas », a-t-il dit. On comprend donc que la réouverture se fera de façon graduelle, à certaines conditions.

L’achat local en vedette

Pas question d’attendre la fin de la crise sanitaire pour bouger : Québec a lancé une nouvelle plateforme numérique, Le Panier Bleu, sorte d’inventaire de produits et de services québécois. Une façon de « reproduire » le modèle d’Amazon, a illustré Pierre Fitzgibbon. 

Pour François Legault, « c’est plus important que jamais qu’on change un peu les habitudes d’achat pour acheter québécois ». L’État a un devoir d’exemplarité, selon lui. Mais son bilan n’est pas très reluisant. « Les ministères vont devoir être davantage des modèles pour l’achat local. On demande aux Québécois d’acheter local, mais il va falloir s’assurer, tout en respectant les lois internationales, que nos ministères achètent davantage des biens et des services de façon locale », a-t-il affirmé.

Le « nouveau monde »

Québec se projette plus loin dans le temps. François Legault anticipe le « nouveau monde dans lequel on va vivre » après la crise sanitaire. Il s’attend à une augmentation du protectionnisme dans le monde, ce qui entraînera forcément une baisse des exportations québécoises. Il a rappelé que le Québec a déjà un déficit commercial de 20 milliards de dollars. 

« Il va falloir faire la liste, puis c’est ça qu’on est en train de faire, de toutes nos importations, incluant les importations d’Asie, et voir comment on peut aider nos entrepreneurs à fabriquer ici ces produits-là qu’on importe, pour garder une balance commerciale qui est le plus en équilibre possible », a-t-il expliqué.

Masques et médicaments :  pour un Québec autonome

Au sujet des réserves d’équipements de protection, François Legault a précisé que le Québec avait des masques N95 et des gants pour 13 jours. Une commande a été reçue samedi. Quant aux masques chirurgicaux et aux blouses, « on est à sept jours ». Des discussions sont en cours avec des entreprises québécoises pour fabriquer ici des équipements de protection. 

« On a présentement à peu près 80 entreprises québécoises qui ont montré un intérêt et une capacité à produire ces matériaux-là, a précisé Pierre Fitzgibbon. Je pense qu’on peut confirmer, a priori, qu’il y a des bonnes chances qu’on puisse être autosuffisants dans ces produits-là pour la prochaine crise, s’il y en a une. » 

François Legault a affirmé qu’il est également « très important d’être plus autonome » en ce qui concerne les médicaments, mais aussi les aliments. « On ne pourrait pas s’imaginer, demain matin, que, si, pour toutes sortes de raisons, on arrête de recevoir des fruits puis des légumes qui viennent du sud des États-Unis l’hiver, qu’on n’ait pas assez de nourriture pour tout le monde. Donc, toute la chaîne alimentaire, de l’agriculteur en passant par le transformateur puis au commerce de détail, ça devient critique », a-t-il expliqué.

COVID-19

Une annonce prévisible, mais inquiétante

Ce n’est une surprise pour personne dans le milieu économique. Mais la fermeture des entreprises et des services non essentiels jusqu’au 4 mai – plutôt que le 13 avril – donne un dur coup aux entrepreneurs québécois qui réclament davantage d’aide des gouvernements.

Rue Saint-Denis, les propriétaires des boutiques désertées s’y attendaient. Même qu’ils comprennent la décision du gouvernement Legault de prolonger la fermeture des commerces devant l’ampleur de la crise sanitaire. « Mais c’est très difficile, souligne Kriss Naveteur, directrice générale de la Société de développement commercial (SDC) Rue Saint-Denis. J’ignore, après la relance, combien de commerces il va nous rester. »

« Il y a des personnes qui m’appellent et qui me disent qu’ils ont réussi à payer leurs employés, leurs charges, mais qu’ils sont incapables de payer leur loyer. Il leur reste 500 piastres dans leur compte de banque. Ils ont peur de se faire expulser de leur local. »

— Kriss Naveteur, directrice générale de la SDC Rue Saint-Denis

Sur l’avenue du Mont-Royal, non loin de là, aucun commerce n’a annoncé sa fermeture définitive en raison de pandémie de COVID-19. « Mais il ne faut pas être naïf non plus et penser que tout le monde va s’en sortir », dit Claude Rainville, directeur général de la SDC de l’Avenue du Mont-Royal.

Selon lui, les propriétaires de certains espaces commerciaux ont adouci leur discours au cours des derniers jours. Au lieu d’exiger le paiement des loyers au premier du mois, plusieurs tentent de trouver des solutions. « Les propriétaires ne sont cependant pas tous des promoteurs qui ont des centaines ou des milliers de pieds carrés de superficie. Certains propriétaires ont juste un ou deux locaux. Ils ont aussi des obligations envers leur banque », raconte M. Rainville.

Dans Hochelaga–Maisonneuve, les entrepreneurs espéraient rouvrir leurs commerces le 13 avril tel qu’annoncé au départ, mais tous se doutaient que ce scénario n’était pas très réaliste. « C’est un marathon très difficile pour les commerçants. Plus ça s’étire, plus les chances sont grandes qu’on se retrouve avec des fermetures permanentes », affirme Jimmy Vigneux, directeur général de la SDC Hochelaga–Maisonneuve.

Comme ses collègues des autres quartiers, il insiste sur l’importance de privilégier les achats locaux. « Toutes les dépenses faites localement vont faire une différence. L’achat de proximité est 100 fois plus important qu’il y a deux mois. C’est la survie d’entreprises et d’emplois qui sont en jeu plus que jamais », martèle-t-il.

Billy Walsh, président de l’Association des sociétés de développement commercial de Montréal, suit attentivement la progression du nombre de cas de COVID-19 dans la province. Celui qui est aussi directeur général de la SDC Promenade Wellington est impatient de voir une baisse dans les statistiques pour pouvoir enfin penser à la relance de l’économie. En attendant, il encourage lui aussi les consommateurs à acheter local.

« Si les quartiers ne bénéficient plus d’une artère commerciale en santé, attirante et rassembleuse, on peut se demander quelle sera la pertinence de vivre dans des centres denses et métropolitains. Ça risque d’ouvrir la porte à l’étalement urbain. »

— Billy Walsh, président de l’Association des sociétés de développement commercial de Montréal

Davantage d’aide demandée

Devant la fermeture prolongée des entreprises non essentielles, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) demande notamment au gouvernement d’alléger l’impôt foncier pour les commerces et de protéger les entrepreneurs contre une expulsion de leur local.

« Depuis le début de la crise, les pertes financières moyennes des PME québécoises ont presque triplé, passant de 50 000 $ à 140 000 $. À ce rythme, dans un mois, on va passer un point de non-retour », a indiqué François Vincent, vice-président Québec à la FCEI, dans un communiqué.

Le Conseil du patronat (CPQ) a aussi demandé des mesures additionnelles (comme l’élargissement des critères d’admissibilité pour l’allocation de pertes de revenus) pour aider les entreprises « à traverser la vallée de la mort ». « Même si cette décision fait très mal aux dizaines de milliers d’entreprises directement touchées, le milieu des affaires reste solidaire avec le gouvernement », a toutefois souligné Yves-Thomas Dorval, président et chef de la direction du CPQ, également dans un communiqué.

La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) a aussi insisté auprès du gouvernement pour que d’autres mesures soient adoptées afin de diminuer les impacts de la crise sur les entrepreneurs. « Le contexte est exceptionnel et même si cette décision est évidemment compréhensible, les impacts négatifs sont considérables pour les entreprises québécoises », a déclaré Charles Milliard, président-directeur général de la FCCQ, dans un communiqué.

Ma boule de cristal à propos du sommet

Tous se posent la même question cruciale : quand atteindra-t-on le sommet de la fameuse courbe ?

La réponse n’est pas facile, et le gouvernement Legault rendra publiques mardi ses prévisions lors de sa conférence quotidienne. Néanmoins, il est possible d’avoir une idée en regardant ce qui se passe ailleurs, notamment dans les pays où le virus a frappé plus tôt.

Or, bonne nouvelle, trois pays européens durement touchés ont vraisemblablement franchi le sommet de la pandémie et commencent enfin à voir le bout du tunnel. Il s’agit de l’Italie, de l’Espagne et possiblement de la Belgique.

Le meilleur guide pour prévoir le sommet semble être le nombre de morts par jour, si l’on se fie aux données du site Our World in Data, produit par des chercheurs associés à l’Université d’Oxford, au Royaume-Uni. L’organisme recense les données officielles de la plupart des pays. Pour rendre les données comparables, j’ai ramené le nombre de morts quotidiens en taux par million d’habitants.

Premier constat : l’Italie a probablement atteint son sommet le 29 mars, avec 14,2 morts quotidiens par million d’habitants. Depuis une semaine, ce taux est en baisse constante, et il était dimanche (5 avril) de 11,8 morts par million d’habitants.

Comme les premiers morts en Italie remontent au 24 février, il aura donc fallu cinq semaines, environ, pour atteindre le damné sommet, et il en faudra possiblement autant pour retomber à la normale, ce qui nous mènerait dans la semaine du 3 mai en Italie.

L’Espagne semble aussi avoir franchi son sommet, quoique plus récemment. Ainsi, le 3 avril, l’Espagne atteignait 19,8 morts quotidiens par million d’habitants, et ce taux, en recul depuis deux jours, est maintenant de 18,8. Espérons qu’il n’y aura pas, après cette baisse, un nouveau rebond. Dans leur cas, l’hécatombe a commencé autour du 6 mars, et le pic aurait donc été atteint après quatre semaines.

Enfin, la Belgique. Le 2 avril, le plat pays a enregistré une moyenne quotidienne de 14,7 morts par million d’habitants. Ce sommet est en baisse presque constante depuis, et le dimanche 5 avril, le taux était de 12,1. Le temps pour atteindre le sommet aurait été de trois semaines, ce qui apparaît très court.

Il est bien possible que ces situations ne se reproduisent pas ici, dans le contexte où nos mesures de confinement plus rapides pourraient avoir aplati – et donc allongé – la courbe, et repoussé l’arrivée vers le sommet.

Compte tenu de la virulence de la pandémie en Italie et en Espagne, on peut penser que les quatre ou cinq semaines pour atteindre le sommet seraient le délai minimum.

Les données sur le nombre de morts quotidiens au Québec sont encore trop peu nombreuses pour faire la comparaison sur cette base. Pour y arriver, il faut prendre l’ensemble canadien.

Le Canada a enregistré ses premiers morts à la mi-mars, il y a trois semaines, et il est maintenant à 1,3 mort quotidien par million d’habitants. La propagation canadienne est beaucoup moins rapide que dans la plupart des pays où les premiers décès sont aussi survenus il y a environ trois semaines, qu’il s’agisse de la Suède (taux comparable de 4,6 morts), des États-Unis (taux de 3,7 morts) ou même de l’Allemagne (taux de 2,8 morts).

Est-ce en raison de nos mesures de confinement plus sévères ? Rappelons que la Suède a été beaucoup plus laxiste dans ses interventions, tout comme les Pays-Bas, qui en sont à 9,2 morts quotidiens par million d’habitants aujourd’hui.

Toujours est-il que notre sommet canadien ne sera pas atteint avant deux semaines au minimum, si l’on se fie au cas italien, ce qui nous mènerait vers le 19 avril. Il est bien possible qu’il faille ajouter quelques jours, peut-être quelques semaines, si la courbe est réellement plus plate qu’ailleurs. Peut-on imaginer qu’on y parviendra avant la réouverture des commerces non essentiels, que le gouvernement du Québec a repoussée au 4 mai dimanche ?

Pour ma part, je parie que les chantiers de construction rouvriront vers la mi-mai au Québec et que les autres secteurs suivront, progressivement. Je continue à astiquer ma boule de cristal, cela dit, car il y a encore beaucoup de brouillard.

COVID-19

Le SPVM distribue des amendes salées

Le gouvernement du Québec, quant à lui, se donne le droit de forcer à l’isolement des personnes récalcitrantes.

Aux grands maux, les grands remèdes. Une douzaine de personnes qui jouaient au soccer au parc Ahuntsic, dimanche après-midi, ont chacune reçu une contravention de 1546 $. Les agents du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) sont passés à l’offensive pour faire respecter les mesures de lutte contre la COVID-19. Québec forcera également la mise en isolement de personnes récalcitrantes qui présentent des symptômes de la maladie.

Au parc Ahuntsic, des agents du SPVM ont remis des constats d’infraction aux joueurs de soccer qui ne respectaient visiblement pas les mesures de distanciation sociale et d’interdiction de rassemblement, a appris La Presse de source sûre. Chacun des joueurs devra payer plus de 1500 $ pour avoir fait fi des demandes répétées du gouvernement du Québec.

Le SPVM n’a pas voulu confirmer ou commenter l’événement. La Presse a toutefois appris que l’article publié dans son numéro de samedi, dans lequel il est rapporté que la majorité des membres d’une équipe de hockey de Racine ont été contaminés par le coronavirus après un match amical, a été cité en exemple pour inciter les patrouilleurs d’Ahuntsic à ne tolérer sous aucun prétexte ce genre de réunion.

Par contre, tous les cas ne sont pas noirs ou blancs. Une fêtée de Beaconsfield l’a appris à ses dépens : après que quelques proches lui eurent souhaité « Bonne fête » à distance, chacun dans leur voiture, on lui a remis un constat d’infraction.

« C’était une surprise. Ils avaient des pancartes et sont restés dans leur auto ou dans les portes de leur auto. Ils klaxonnaient comme pour un mariage, ont fait le tour du bloc et sont revenus devant ma maison pour me chanter ‟Bonne fête” », raconte Mélissa Leblanc. « Je suis restée dans mon cadre de porte et je les filmais. Je ne vois pas ce qu’on a fait de grave. »

Une dizaine de minutes plus tard, deux agents de police sonnaient à sa porte : « Ils m’ont dit qu’ils me donneraient une amende pour avoir troublé la paix et pour non-respect de la distanciation sociale. Je leur disais que tout le monde était resté loin les uns des autres, mais ils n’ont pas voulu regarder mes vidéos ou même m’écouter », raconte Mme Leblanc.

Selon elle, les agents lui ont dit qu’elle recevrait par la poste une amende de 1500 $ d’ici 10 jours et qu’advenant une deuxième infraction, elle risquait de six mois à un an de prison.

« Je trouve ça ridicule, dit-elle. Je comprends la gravité de la situation. Moi-même, ça fait quatre semaines que je ne suis pas sortie de chez moi. Je fais même livrer mon épicerie. Mon intention n’a jamais été d’aller à l’encontre des mesures. Je sais que les policiers en ont plein les bras, mais ils ne m’ont pas du tout écoutée et m’ont attaquée comme si j’étais une criminelle. »

Isolement forcé pour des récalcitrants

Dans le même ordre d’idées, Québec prend les grands moyens pour forcer la mise en isolement de personnes récalcitrantes qui présentent des symptômes de la COVID-19, dans certaines circonstances.

Dans un arrêté ministériel signé par la ministre de la Santé et des Services sociaux Danielle McCann, Québec prévoit « qu’afin d’éviter toute contagion par la COVID-19, le directeur national de santé publique et tout directeur de santé publique soient autorisés à ordonner qu’une personne qui ne consent pas à s’isoler volontairement […] s’isole pour une période d’au plus 14 jours sans une ordonnance de la cour ». Ce pouvoir peut être exercé contre une personne récalcitrante qui se trouve dans l’une des situations suivantes, selon l’arrêté ministériel adopté samedi : 

Elle présente des symptômes liés à la COVID-19 et il y a des motifs sérieux de croire qu’elle a été en contact avec une personne atteinte de la maladie ;

Elle vit ou séjourne dans un milieu où vivent ou séjournent aussi des personnes qui présentent des facteurs de vulnérabilité à la COVID-19 ou dans un milieu où le risque de propagation de la COVID-19 est accru, et il y a des motifs sérieux de croire qu’elle a été en contact avec une personne atteinte de la maladie ;

Elle vit ou séjourne dans un milieu où vivent ou séjournent aussi des personnes qui présentent des facteurs de vulnérabilité à la COVID-19 ou dans un milieu où le risque de propagation de la COVID-19 est accru, et elle présente des symptômes liés à la COVID-19 ;

Elle est en attente du résultat d’un test de dépistage prioritaire de la COVID-19.

L’arrêté ministériel précise que « l’article 108 de la Loi sur la santé publique s’applique à un tel ordre d’isolement ». Cet article prévoit qu’un tel ordre de la santé publique « est suffisant pour que toute personne, y compris un agent de la paix, fasse tout ce qui est raisonnablement possible pour localiser et appréhender la personne dont le nom figure dans l’ordre et la conduire dans un lieu indiqué dans l’ordre ou auprès d’un établissement de santé et de services sociaux choisi par le directeur ».

Toujours selon cet article, « la personne ou l’agent de la paix […] ne peut toutefois entrer dans une résidence privée sans le consentement de l’occupant ou sans être muni d’un ordre de la cour l’y autorisant ». De plus, « lorsque la personne est appréhendée, on doit immédiatement l’informer des motifs de sa mise en isolement, du lieu où elle est emmenée et de son droit de communiquer avec un avocat ».

Enfin, « un établissement de santé et de services sociaux qui reçoit cette personne en vertu d’un ordre du directeur de santé publique ou de la cour doit l’admettre d’urgence ».

Une personne qui ferait l’objet d’un ordre d’isolement pourrait se soumettre en priorité à un test de dépistage de la COVID-19. L’arrêté ministériel indique que « l’isolement d’une personne cesse dès qu’un test négatif à la COVID-19 est obtenu ou que le directeur national de santé publique, un directeur de santé publique ou le médecin traitant juge que les risques de contagion n’existent plus ».

« Un juge de la Cour du Québec ou des cours municipales des villes de Montréal, Laval ou Québec ayant compétence dans la localité » peut mettre fin à l’ordre d’isolement ou en diminuer la durée « s’il est d’avis que les risques de contagion n’existent plus, ou lui apporter toute modification qui lui apparaît raisonnable dans les circonstances », conclut l’arrêté ministériel.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux dit ne pas avoir de données sur les ordonnances imposées jusqu’ici par les directeurs de la santé publique. Il confirme que les policiers sont chargés de les appliquer.

Montréal ferme l’île Notre-Dame et les stationnements du parc du Mont-Royal

Montréal a fermé dimanche les stationnements du parc du Mont-Royal, de même que l’île Notre-Dame. La veille, le parc du Mont-Royal avait été largement fréquenté, notamment par des gens provenant de l’extérieur de la métropole qui voulaient profiter du beau temps, selon la Ville. Cela a amené des regroupements contraires aux consignes nécessaires pour contrer la COVID-19. « Règle générale, les consignes sont respectées par les citoyens de la métropole, qui ont jusqu’à présent démontré beaucoup de discipline et une collaboration soutenue, a écrit la municipalité dans un communiqué. Toutefois, la Ville doit prendre des mesures supplémentaires, qui sont effectives immédiatement. » Le Service de police de la Ville de Montréal a également dû intervenir samedi au canal de Lachine. Cela étant, la traverse Atwater est aussi fermée pour une durée indéterminée. Le grand nombre de personnes qui se rendaient dans l’île Notre-Dame a aussi amené la Ville à fermer l’endroit, toujours parce que les consignes de distanciation sociale n’étaient pas suffisamment respectées.

— Louise Leduc, La Presse

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