Opinion : Au-delà de la DPJ

Une jeunesse dans l’angle mort du gouvernement

Le Québec dispose maintenant d’un rapport garni de « recommandactions » pour améliorer le sort de nos enfants, particulièrement ceux qui se retrouvent sous la Loi de la protection de la jeunesse. Il est essentiel que tout le travail réalisé par la commission Laurent porte ses fruits et que le gouvernement de M. Legault mette tout en œuvre pour mieux prendre soin de nos jeunes.

Toutefois, l’annonce du dernier budget, la récente étude des crédits budgétaires ainsi que les diverses interventions du gouvernement nous indiquent que ce dernier tend à ignorer les organismes terrain, qui rejoignent pourtant annuellement des centaines de milliers de jeunes, et qu’il est déconnecté des besoins qu’ils observent au quotidien.

Sur le terrain, au sein des organismes communautaires autonomes jeunesse (OCAJ), nous sommes inquiets pour le bien-être de la jeunesse, surtout celle qui se retrouve dans l’angle mort du gouvernement. Nous pensons aux jeunes qui peinent à trouver leur place dans notre société, ceux qui souffrent de problématiques complexes et diverses.

La pandémie a non seulement augmenté les inégalités sociales chez les jeunes en situation de vulnérabilité, mais aussi les iniquités dans le soutien et la reconnaissance des organismes.

En effet, le gouvernement actuel mise essentiellement sur ses propres programmes qu’il impose, comme les Éclaireurs et les Aires ouvertes, et sur un seul partenaire, les carrefours jeunesse-emploi, voulant agir à titre de guichet unique pour tous les enjeux vécus par les jeunes. Ce faisant, il ignore la contribution des OCAJ qui possèdent pourtant la connaissance et l’expertise pour soutenir les jeunes en situation de vulnérabilité. Uniquement au sein de la Coalition Interjeunes, ce sont quelque 370 organismes d’hébergement, de travail de rue, d’écoles de rue, de maisons des jeunes, d’organismes en lutte contre le décrochage scolaire qui existent depuis près de 50 ans et qui rejoignent sept fois plus de jeunes que ce partenaire tout en ne recevant que le sixième du financement.

Chaque jour, nous travaillons d’arrache-pied à épauler les jeunes face à toutes les difficultés qu’ils rencontrent. Rappelons que la jeunesse ne se limite pas à l’éducation et à l’employabilité. La santé mentale, la toxicomanie et l’itinérance ne sont que quelques-unes des autres facettes du prisme. Comme mentionné dans le rapport final de la commission Laurent, nous rejoignons « des clientèles isolées qui vivent dans la pauvreté et qui ressentent de la méfiance face au système ».

La recherche de solutions faciles, simples et uniques pour combler une variété de besoins et de réalités ne peut être viable à long terme.

Comme souligné dans les « recommandactions » de la commission Laurent, pour reconstruire une société forte qui soutient véritablement les jeunes, la prévention est un investissement social primordial. Il est évalué que chaque dollar investi en prévention rapporte entre sept et dix dollars à la société. Il faut renverser la vapeur, cesser de n’investir que dans le curatif et soutenir les organismes consacrés à la jeunesse, qui répondent présents depuis le début de la pandémie, malgré un fort essoufflement.

Il y a quelques mois déjà, la Coalition Interjeunes a sollicité une rencontre avec le premier ministre, responsable des dossiers jeunesse, afin de discuter des solutions que nous pouvons mettre en œuvre ensemble. Nous réitérons à nouveau cette demande.

Il est urgent de privilégier une vision transversale et qui reflète une réelle compréhension de ce qui se passe sur le terrain. Il importe de réunir tous les acteurs impliqués auprès de la jeunesse, y compris ceux habituellement tenus à l’écart des recherches de solutions. Le travail ne doit pas s’arrêter avec la commission Laurent. Assurons-nous de soutenir tous les jeunes avant qu’il ne soit trop tard et que d’autres jeunes et intervenants en paient les frais.

* Membres de la Coalition Interjeunes : Regroupement des maisons des jeunes du Québec (RMJQ) ; Regroupement des organismes communautaires autonomes jeunesse du Québec (ROCAJQ) ; Regroupement des Auberges du cœur du Québec (RACQ) ; Regroupement des organismes communautaires québécois de lutte au décrochage (ROCLD) ; Regroupement des organismes communautaires québécois pour le travail de rue (ROCQTR) ; Regroupement des écoles de la rue accréditées du Québec (RERAQ)

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