Littérature

Le vin nature démystifié

Supernaturel : immersion dans le monde du vin nature
Vincent Sulfite
Illustrations de Simon Roy
Éditions de l’Homme
208 pages

Si vous vous intéressez au vin, particulièrement au vin nature, le nom de Vincent Sulfite vous dit peut-être quelque chose. Auteur de l’infolettre hebdomadaire Qu’est-ce qu’on boit ?, sommelier au restaurant Candide et chroniqueur à ses heures, il lance deux projets ces jours-ci : la série télé Supernaturel  huit épisodes offerts sur Club illico – et un livre qui accompagne l’émission et nous fait découvrir des vignerons passionnés. L’auteur en profite pour nous expliquer le b. a.-ba des « jus » naturels. Rencontre avec un jeune homme allumé qui s’est donné pour mission de démocratiser le monde du vin.

Comment es-tu entré dans le monde du vin ?

Je travaillais au restaurant Le Contemporain d’Antonin Mousso-Rivard pendant mes études et j’échangeais beaucoup avec le sommelier, Bastien Bouffet, qui, au lieu de me vanter ses connaissances, m’a vraiment fait découvrir les vins. On a bu souvent tard le soir en discutant. Ensuite, j’ai fait la connaissance de la sommelière Emily Campeau et cette rencontre a été très importante pour moi. Elle m’a pris sous son aile.

Le fait que je n’ai pas étudié en sommellerie est un moteur. Ça me force à toujours aller plus loin, à me perfectionner, à poser des questions. Quant au nom Vincent Sulfite [un jeu de mot que tout le monde ne comprend pas toujours du premier coup], c’est une amie qui l’a lancé un jour dans une conversation Facebook, car j’étais reconnu pour être celui qui apportait des bons vins dans les soupers. Je devrais peut-être lui faire un chèque... [rires].

Comment est né le projet Supernaturel ?

Le comédien Marc-André Grondin était abonné à mon infolettre. Il m’a rencontré avec le producteur Jean-Philippe Massicotte. Ça faisait longtemps qu’ils pensaient à faire une émission sur le vin. Ils aimaient le fait que je sois un vulgarisateur, que je n’arrive pas nécessairement avec un bagage de connaissances sur le vin. Avec Magalie Lépine-Blondeau, on est allés à la rencontre de vignerons en Europe [Autriche, Italie, France, Allemagne]. L’émission présente aussi des vignobles en Californie, au Vermont, et bien sûr au Québec. Le livre est un compagnon à la série et un complément aussi, car il me permet de raconter les histoires des vignerons qu’on a visités. Le vin, c’est aussi des voyages, des histoires personnelles et familiales.

C’est quoi, au juste, le vin nature ?

La première règle de base : ça vient d’une agriculture durable. Souvent, on va dire bio, bien qu’il y en ait qui ont choisi pour des raisons philosophiques de ne pas se certifier. Donc, c’est un vin fait avec un raisin de bonne qualité, qui provient d’une vigne où on n’a utilisé aucun produit chimique, et auquel on n’a ajouté aucun élément exogène. D’une certaine façon, c’est un retour à la vieille façon de faire du vin. Ça permet une variété de goûts. Un sauvignon nature ne goûtera pas la même chose dépendant de la région d’où il vient, contrairement à un vin plus industriel où les goûts sont uniformisés. On revient à la notion d’artisanat, ça demande une grande rigueur. C’est fait à plus petite échelle et à plus petit volume. Les producteurs souhaitent garder le contrôle sur la qualité de ce qu’ils font.

Le goûte-t-on avec les mêmes critères que les autres vins ?

Je demande toujours aux gens d’avoir une certaine ouverture d’esprit. Ça goûte différent, mais ce n’est pas quelque chose de péjoratif. Les gens qui sont prêts à faire le pas s’ouvrent à un monde. Je regarde mes parents qui ont accepté de faire ce premier pas, de goûter à des vins différents, aujourd’hui, ils ne veulent plus revenir en arrière. Ils trouvent qu’avant ils buvaient des vins plates. Boire du vin nature, c’est accepter d’être surpris, déçu une fois de temps en temps, mais plus souvent qu’autrement charmé. Ça demande de rééduquer notre palais. Il faut se mettre en mode actif, en mode découverte, plutôt que de se rabattre toujours sur le même vin qu’on connaît.

Que réponds-tu à ceux qui disent que les amateurs de vin nature sont snobs ?

C’est peut-être un jugement un peu fondé [rires]. Je préfère ne pas le cacher... C’est facile de renier son passé et ce qu’on buvait avant. Il ne faut pas prendre ça trop au sérieux. Quand tu commences à développer une passion, c’est difficile de revenir en arrière. C’est la même chose que si tu tripes sur les fromages artisans et que quelqu’un te sort un P’tit Québec. Par contre, je milite beaucoup pour qu’on démocratise le vin. Je veux qu’on arrête de voir ça comme un produit hyper luxueux devant lequel on est gêné de ne pas connaître plein d’affaires. C’est ce qui a été instauré par Emily Campeau au Candide et que je continue de faire, c’est-à-dire parler du vin de façon à ne pas être intimidant. On va parler des gens, des régions, on fait voyager la personne à table. J’aimerais ça que le mot « snobisme » disparaisse du monde du vin. Pour un budget équivalent, on peut souvent boire mieux.

Parallèlement à ces projets, tu cultives aussi des vignes ?

Assez rapidement, je me suis intéressé à la fabrication du vin, à la manière de travailler la vigne. J’ai toujours orienté mes recherches et mes lectures vers ça. Ça m’a mené à essayer moi-même. Avec un ami, on squatte une terre sur laquelle on a planté 400 vignes. On apprend de nos erreurs. Et on cherche une terre où s’établir dans les prochaines années. Je vais avoir 29 ans dans deux semaines et je me pose la question : qu’est-ce que j’ai envie de faire avec toutes ces connaissances sur le vin ? Je ne veux pas être sommelier toute ma vie, et faire carrière dans les médias, ce n’est pas évident. Si je plante la vigne d’ici deux ans, je vais la voir grandir pendant longtemps. Et puis, il y a tout un réseau qui est en train de s’installer en région, des gens qui ont travaillé en restauration et qui sont devenus maraîchers. Je pense au projet Cantouque [un projet d’hospitalité agricole en Estrie], par exemple. Il y a un retour à la terre que je trouve vraiment inspirant.

Qu’est-ce qu’on boit ? L’infolettre hebdomadaire de Vincent Sulfite

À la télé : Supernaturel, une série en huit épisodes (sur abonnement)

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.