La langue française évolue à une vitesse folle. Chaque semaine, notre conseillère linguistique décortique les mots et les expressions qui font les manchettes ou qui nous donnent du fil à retordre.

Et si ce n’était pas une faute ?

Enfant, on se fait seriner cette règle : les scies (si) n’aiment pas les raies (rais). Elle permet de se rappeler qu’avec la conjonction si, on ne doit pas conjuguer un verbe en -rais/rait, mais plutôt en -vais/vait.

Et si… ce n’était pas toujours vrai ?

Cette règle s’applique bien si on utilise la conjonction si pour introduire une hypothèse. On doit alors employer l’imparfait et on n’écrit donc pas « si j’aurais su », mais si j’avais su. Et on n’écrit pas « si tu voudrais », mais si tu voulais.

Mais si s’emploie aussi correctement avec le conditionnel – et le futur – quand on veut exprimer une concession. Cet emploi est assez rare et on ne l’enseigne sans doute pas à l’école. Chaque fois qu’un journaliste utilise cette construction, La Presse reçoit des dizaines de messages soulignant cette faute qui n’en est pas une.

Voici deux exemples (réels, mais raccourcis). Il fallait bien que ça arrive, même si on aurait pu s’en passer. Si tous les ponts seront ouverts à la circulation pour la rentrée, le répit sera de courte durée.

La Banque de dépannage linguistique de l’Office québécois de la langue française explique qu’on « peut analyser ce genre de construction appartenant à un registre de langue très soutenu comme une ellipse de s’(il est vrai que), s’(il faut admettre que), si (on estime que) ».

Si on ajoute les mots entre parenthèses à une phrase que l’on croit fautive, on voit qu’elle ne l’est pas. S’il est vrai que tous les ponts seront ouverts à la circulation pour la rentrée, le répit sera de courte durée. Il fallait bien que ça arrive, même s’il faut admettre qu’on aurait pu s’en passer.

On peut aussi employer si correctement avec le conditionnel et avec le futur après les verbes se demander, ignorer et savoir dans une interrogation indirecte. On se demandait s’il accepterait de s’expliquer. J’ignore si cet auteur vous plaira. On ne saura jamais si elle aurait pu être sauvée.

Courrier

Aucun frais ou aucuns ?

Est-ce normal de voir très souvent « aucuns frais » avec un s puisque aucun signifie sans ?

RÉPONSE

Même si cela semble curieux, l’adjectif indéfini aucun s’emploie bien au pluriel dans certains cas, notamment quand un nom n’a pas de singulier, comme frais, ou quand il doit être employé au pluriel comme travaux, dans un des exemples ci-dessous.

On écrit donc correctement aucuns frais. Aucuns frais ne seront remboursés. En raison de la pandémie, on n’a pu célébrer aucunes funérailles à l’église. Il est surmené parce qu’il n’a pris aucunes vacances depuis son embauche. On a appris qu’il n’y aurait aucuns travaux routiers dans ce secteur. Les réparations urgentes n’entraîneront aucuns frais supplémentaires. Les coupables ne subiront aucunes représailles, a assuré l’État.

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