courriels envoyés par guy Ouellette

Le PLQ et la CAQ embarrassés 

QUÉBEC — Il y a beaucoup de coups fourrés en politique. C’est l’univers parfait pour les demi-vérités, les péchés d’omission, les procès d’intentions nébuleux. Mais il y a une règle incontournable, équivalente à l’omerta du monde interlope : on ne trahit pas son parti.

Or, le député libéral de Chomedey Guy Ouellette a ici une cause bien difficile. Il y a quelques mois déjà, la Coalition avenir Québec (CAQ) avait envisagé de divulguer qu’il était à la source d’informations embarrassantes sur le Parti libéral du Québec (PLQ). Pietro Perrino, organisateur libéral de longue date, avait été nommé secrétaire général à l’Économie. M. Ouellette disposait d’échanges de courriels compromettants entre M. Perrino et Luigi Coretti ; les deux hommes étaient partenaires dans le dossier des FIER. On n’attendait que le moment où Guy Ouellette serait confirmé comme candidat dans Chomedey, une circonscription de Laval.

Ces fameux courriels ne faisaient pas partie du dossier déposé au tribunal – M. Coretti était poursuivi pour avoir trompé le gouvernement dans le but d’obtenir une subvention. Curieusement, cette cause, de report en report, avait été abandonnée par la Couronne, avant même que ne soit invoqué l’arrêt Jordan.

Mais après l’assemblée d’investiture de M. Ouellette, début juin, on avait changé d’idée à la CAQ. Simon Jolin-Barrette et Éric Caire avaient tranché : rendre publique la collaboration de Ouellette enverrait un signal embarrassant. Un parti capable de balancer ses sources n’incite pas aux confidences, un élément essentiel pour préparer les périodes de questions.

C’est ce qui explique pourquoi François Legault, hier, était manifestement embarrassé par la publication des informations dans les médias de Québecor. « Je veux garder nos sources confidentielles », a-t-il dit pour l’essentiel. De toute évidence, il n’avait pas autorisé la démarche. Hier, Philippe Couillard s’est contenté de rappeler que Guy Ouellette était son candidat dans Chomedey – il n’a guère le choix, la date limite pour changer de représentant était le 15 septembre.

Il y avait quelque chose d’un peu surréaliste dans les réponses de Guy Ouellette, publiées dans les journaux de Québecor hier. D’abord, il a soutenu ne pas se souvenir d’avoir transmis des courriels à la CAQ. Puis il a laissé entendre que ces informations pourraient venir de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) que dirige son ennemi de longue date Robert Lafrenière.

Or, des sources sûres indiquent que M. Ouellette a déjà eu des contacts, directs, avec des recherchistes de la CAQ. Les courriels compromettants retenaient le nom d’un de ses employés au bureau de circonscription, Rémi Alwan. 

Un autre courriel provenait d’une adresse comprenant les mots « agendachomedey » et l’autre, « Go5129 ». Si on avait le réflexe, naturel, du policier de Chomedey à voir des complots, on pourrait rappeler que « Go » Ouellette était le surnom dont ses collègues l’avaient affublé tout au long de sa carrière à la Sûreté du Québec. Ce message envoyait le destinataire sur un « dropbox », où on retrouvait l’échange de courriels embarrassants pour le haut fonctionnaire libéral.

M. Ouellette a aussi nourri, assure-t-on, le service de recherche de la CAQ sur les problèmes du ministère des Transports où se trouvait, en situation précaire, la sous-ministre Dominique Savoie, ex-supérieure de sa conjointe Annie Trudel. Certains s’expliquent ainsi les sorties récurrentes du caquiste Éric Caire sur Mme Savoie. MM. Caire et Ouellette sont sur la même longueur d’onde. Guy Ouellette est pratiquement un gourou pour le caquiste de Chauveau.

Depuis longtemps, M. Ouellette entretient des relations étroites avec la CAQ. Les recherchistes, perplexes, le voyaient fréquemment au bureau de l’ex-député de la CAQ Jacques Duchesneau – deux élus du « Parti police », soutenait-on par dérision. Les exégètes de la politique lavalloise se perdent en conjectures sur les sources de l’inimitié entre MM. Ouellette et Perrino.

La CAQ n’est pas la seule à avoir bénéficié des confidences de Guy Ouellette. Le péquiste Pascal Bérubé, critique de son parti en matière de sécurité publique, recevait régulièrement des textos de l’ex-policier, surtout quand il fallait préparer l’étude des crédits de l’UPAC ou l’étude du projet de loi 107, qui conférait à l’UPAC le statut de corps policier autonome. Guy Ouellette présidait ces commissions parlementaires – et avait dans les couloirs du parlement de longs échanges entre quatre yeux avec le député Bérubé – « c’en était malaisant », a confié un attaché politique.

Les deux élus étaient de mèche, par exemple, pour forcer la comparution de Robert Lafrenière en commission parlementaire sur ce projet de loi – le commissaire avait refusé dans un premier temps.

« Je recevais des textos de Guy Ouellette, sur le projet de loi 107 par exemple. Mais jamais aucun document », s’est défendu hier avec vigueur le péquiste de Matane.

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