Le mystère Céline Dion

En mode « pause ». Elle est la star aux 230 millions de disques, à laquelle Valérie Lemercier consacre un film, « Aline ». Mais elle vient d’annoncer qu’elle ne remontera pas sur scène début novembre comme prévu : « J’ai le cœur brisé, je dois me concentrer sur ma santé pour vite aller mieux. » Depuis la mort, début 2016, de René Angelil, l’amour de sa vie, Céline accumule les épreuves. 2020 est une nouvelle année noire : d’abord la disparition de sa mère adorée, puis une tournée mondiale deux fois reportée. Sa sœur Claudette nous parle cash de ce qui a fait craquer la diva québécoise.

Évidemment, quand Céline Dion a annoncé qu’elle ne reviendrait pas sur scène à Las Vegas pour raisons médicales, la machine à rumeurs s’est mise en marche. Les « spasmes musculaires » qu’elle évoque cacheraient autre chose, affirment les réseaux sociaux.

Sa sœur Claudette, de vingt ans plus âgée, a tenu à faire une mise au point. Elle est la marraine de Céline – « Au Québec, le titre le plus important après la maman », nous précise-t-elle. C’est aussi une pro, comme tous les frères et sœurs de la star, musiciens et chanteurs. Entre deux répétitions de leur show « Un réveillon chez la famille Dion » (au Casino de Montréal à partir du 1er décembre), Claudette, qui s’exprime rarement, a fait une exception pour Paris Match.

« Ce report, dit-elle, n’est pas un caprice. Céline n’est pas une diva mais une belle personne humaine. Elle a beaucoup travaillé pour ce retour, et elle en a trop fait. C’est toujours la même chose : elle est terriblement exigeante avec elle-même. Son corps a dit stop. Elle a 53 ans. La préménopause, les changements hormonaux que ça entraîne, ça n’aide pas… Je lui répète souvent : “Sois sage avec toi-même !” Je sais qu’elle est ultra-disciplinée et prudente. Mais le corps a ses caprices, aussi. C’est bien qu’elle l’ait écouté… »

Chez les Dion, on n’a pas peur des mots simples et des idées claires. D’après Claudette, le problème ne viendrait pas des cordes vocales mais « de tous les muscles » d’une star qui ne veut plus seulement chanter mais se pique aussi de danser.

« Ce qui lui arrive est douloureux, concède Claudette. Mais il n’y a rien de grave, sinon elle me l’aurait dit : Céline n’hésite pas à se confier et à demander conseil quand quelque chose ne va pas. « Je sais qu’elle a le moral. Elle est très bien entourée par les membres de notre famille, et d’abord par notre sœur Linda, qui s’occupe des enfants depuis toujours… »

« Céline n’a qu’une envie : remonter sur scène. Mais ça prendra peut-être quelques semaines, voire quelques mois… »

— Claudette Dion

Depuis le décès de son mari, René Angelil, en janvier 2016, Céline n’a pas été épargnée. On se souvient d’elle recevant les condoléances de milliers de fans qui défilent dans la cathédrale de Montréal, face au cercueil encore ouvert. Juchée sur ses hauts talons, elle passe la journée à serrer des mains et sidère le monde par sa dignité… Pour l’enterrement, le lendemain, elle respectera à la lettre la scénographie que René a lui-même décrite dans ses dernières volontés.

À l’époque, elle semble inconsolable : René est mort sans qu’elle soit à ses côtés. Au retour de son concert, elle n’avait pas cru bon de le réveiller… On se demande alors si elle va surmonter son deuil. La réponse arrivera vite. Céline devient Céline.

En août 2017, dans un magasin de Montréal où elle lance une marque de sacs à main, elle l’annonce à sa façon, sans fioritures : « Aujourd’hui, je me sens plus libre. René était superprotecteur, il m’entourait toujours des meilleurs. Je n’avais plus grand-chose à dire ou à faire. Le petit pot-au-feu était préparé. Je n’avais pas besoin de dire : “Mets un peu plus de carottes ou de sel”, c’était déjà fait. Maintenant, que ce soit pour le spectacle, le disque, les sacs à main ou les enfants à la maison, c’est moi le boss… »

La première décision du « boss » est de virer Aldo Giampaolo, son manager. René l’avait nommé quand il était malade, elle avait peu d’atomes crochus avec lui. Elle vend aussi l’extravagant manoir de Laval, près de Montréal : 7 millions d’euros, le tiers de la somme initialement demandée. Puis elle cède le délirant palais de Jupiter Island, en Floride : 32 millions d’euros, la moitié du prix d’achat. Une page se tourne. René, qui était joueur, avait la folie des grandeurs. Céline, elle, garde les pieds sur terre. Elle découvre qu’il faut remettre de l’ordre dans les finances. Tout ce « superflu » coûte une fortune à entretenir. Puis elle se réinvente. Certains parlent de « célinaissance », d’autres de « dionaissance » …

Elle, qui s’est toujours passionnée pour la mode, s’affiche dans des tenues excentriques et adopte une coupe au carré qu’on ne lui a jamais vue. Devant les photographes, elle embrasse Pepe Muñoz, son danseur dont elle a fait son styliste. S’ensuit la rumeur : Céline aurait-elle retrouvé l’amour ? Pas avec Pepe, qui préfère les hommes. Ni avec personne, d’ailleurs, comme elle l’a récemment révélé dans une interview à la chaîne américaine NBC.

En réalité, Céline veut pouvoir s’amuser : elle se rend pour la première fois au Met Gala, l’évènement « fashion » de New York organisé par la patronne de « Vogue », Anna Wintour. Elle apparaît sur le tapis rouge couronnée de plumes et vêtue d’une robe à franges dorées signée Oscar de la Renta. C’est osé pour une « fille de Charlemagne » (la banlieue de Montréal où elle est née) qui n’a jamais renié ses racines. Que vient-elle donc faire à New York ? Se pavaner au milieu de l’élite de la mode ? René n’aurait pas permis pareille incartade.

Mais Céline n’a plus peur de montrer celle qu’elle est vraiment, ni de faire ce qui lui plaît. Elle se met à soutenir les causes qui lui sont chères, quelles que soient les conséquences. Elle lance ainsi « Celinununu », une marque de prêt-à-porter pour enfants non genrés (refusant de se déclarer garçon ou fille), afin, dit-elle, de « briser les codes ». Ce qui lui vaut d’être accusée de satanisme aux États-Unis par un prêtre exorciste…

En juin 2019, Céline Dion met un terme à sa « résidence » à Las Vegas, cette salle du Colosseum, construite sur mesure pour elle, où elle a chanté à guichets fermés pendant seize ans. L’annonce fait l’effet d’une douche froide. « Les chauffeurs de taxi faisaient triste mine, se souvient la journaliste canadienne Denise Bombardier, auteure d’un livre sur la star. Le PDG de la MGM me disait que Céline était une mine d’or pour la ville. Il y avait cinq vols directs par jour entre Las Vegas et Montréal. Toute une industrie s’était construite autour d’elle. »

Mais l’essentiel, pour Céline, est d’avoir du temps pour s’occuper de ses plus jeunes fils, les jumeaux Nelson et Eddy. Pour son album « Courage », qui sort fin 2019, elle a travaillé avec des auteurs « branchés », de Sia à David Guetta en passant par Sam Smith. Toutes les chansons font, plus ou moins explicitement, référence à René, mais avec un son et un style différents. Certains affirment qu’elle fait ça pour son fils aîné, René-Charles, 20 ans, aujourd’hui rappeur, dont elle rêverait qu’il devienne son manager. Peut-être.

« La vérité, c’est que Céline ne cherche plus à plaire à tout le monde. Un jour, épuisée, elle m’a dit : “Si j’avais su que ça allait être si difficile, j’aurais fait autre chose.” Elle a beaucoup donné. Désormais, elle sait dire non. »

— Sonia Benezra, animatrice et amie Céline Dion

Nouveau drame en janvier 2020. Céline pleure sa mère, morte à 92 ans. « Maman Dion », malade depuis longtemps, lui était si indispensable que, à ses débuts, elle ne partait jamais en voyage sans emporter sa chemise de nuit dans sa valise, comme une petite fille qui a du mal à s’endormir loin du parfum maternel. Aux funérailles, elle confie à Sonia : « Si je suis là où j’en suis, c’est grâce à elle, qui était une force de la nature. »

Les effets de la pandémie vont décupler les conséquences du deuil : elle se replie sur son cercle familial. « Mon rêve, confiait-elle à Paris Match en 2016, c’est d’avoir une maison au bord d’un lac. J’aime le côté thérapeutique de la tranquillité. J’imagine un petit paradis au Québec, plein d’arbres, où l’on pourrait se promener à cheval. »

La COVID-19 lui permet d’exaucer ce souhait. Forcée d’annuler sa tournée mondiale, elle se réfugie à l’ombre du mont Tremblant, à Brébeuf, village de 1000 habitants à deux heures de Montréal. Elle loue une maison de 400 mètres carrés, dotée d’un terrain de 36 hectares et d’une plage privée sur la rivière Rouge. Une demeure confortable, mais à des années-lumière des fastes d’antan. Dans ce paysage bucolique, elle se retrouve : on la voit sur Instagram en robe à fleurs et en bottes, en train de cueillir des fruits sur les arbres de son jardin.

Les villageois s’habituent aux équipes de sécurité qui se relaient nuit et jour devant son portail. Céline ne se montre guère à l’extérieur, mais elle discute de temps en temps avec ses voisins. « Comme si elle faisait partie du village », commente un témoin.

Elle disparaît ainsi des écrans radars. La récréation va durer un an. Enfin, en mars dernier, elle était de retour à Las Vegas pour préparer le nouveau show qui devait commencer la semaine prochaine dans la salle flambant neuve du Resorts World Las Vegas, l’immense casino-hôtel qui vient d’ouvrir ses portes.

Olivier Berthiaume-Bergé, PDG de la société québécoise Scéno Plus, qui a conçu la salle, est fier : « L’endroit est sublime avec 5000 places [soit 1000 de plus que le Colosseum], un sound system dernier cri, une scène dotée d’un ascenseur divisé en trois plateformes distinctes pour charger les grandes pièces ! La construction a été une course contre la montre. La COVID-19 avait provoqué un manque de main-d’œuvre comme de matériel, mais nous avons réussi à ce que tout soit prêt. »

Il n’en a été que plus déçu. Qu’est-ce qui peut empêcher une bête de scène de retrouver son territoire ? L’impression d’être enfermée dans une cage, peut-être.

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