Éducation

Les chefs d’école

Ils dirigent des centaines de personnes, ils gèrent des millions en budget et équipement, leurs établissements produisent ce qu’il y a de plus précieux pour notre société… Chefs d’entreprise ? Patrons de PME ? Non, directeurs et directrices d’école. Quels sont leurs défis, leurs succès, leurs trucs de gestion ? Retour à l’école.

Un dossier de Marc Tison

Éducation

gestionnaires dans une classe à part

« Bonjour, Mme Alain !

— Bonjour, ça va bien ? »

Le 26 mai, à 9 h 10.

Écouteurs aux oreilles, près des casiers avec deux copains, le jeune garçon salue la directrice de l’école secondaire des Sources, à Dollard-des-Ormeaux.

Comme presque tous les jours, Geneviève Alain parcourt les corridors de son école dans les minutes qui précèdent l’entrée en classe. « Le nombre de problèmes que je règle juste en marchant, le matin ! », lance la directrice.

La cloche a retenti. Élégante dans une robe droite, le regard aussi vif que son pas, la directrice incarne l’autorité compétente.

« Les élèves ! Vous devriez être en classe, là ! », aux quatre jeunes qui s’attardent près de la fontaine.

« Enlève ta casquette, s’il te plaît, merci ! », dans l’escalier, au garçon coiffé de son indévissable couvre-chef.

Arpenter l’école… Ou « marcher l’école », comme le veut l’expression du milieu, aussi consacrée que mal construite… C’est un des préceptes fondamentaux de la gestion scolaire.

« On ne peut pas seulement rester dans son bureau. On travaille trop avec l’humain. Et il est important de sentir le climat. »

— Geneviève Alain, directrice de l’école secondaire des Sources

Ce climat, elle a vite perçu qu’il était délétère, quand elle a pris la direction de l’école des Sources, en janvier 2012.

Des factions s’étaient formées, la tension était palpable. « Quand personne n’ose parler par peur de représailles, la problématique est majeure. »

L’intervention d’une firme externe a plutôt envenimé qu’amoindri les tensions. À l’automne suivant, avec le soutien de la commission scolaire et du syndicat, une enquête a été menée.

« Ça a fini avec de la médiation pour certains enseignants. Quelques-uns ont volontairement changé d’école.

« Après ça, j’ai dû remettre tout ce monde-là ensemble. On a donné de la formation sur la civilité et le civisme. »

Pas de doute, c’est un travail de gestionnaire…

L’école comme une PME

L’école des Sources de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys compte quatre directeurs adjoints, une centaine d’enseignants et une quarantaine d’employés spécialisés.

Déjà, c’est l’équivalent d’une PME. Si on y ajoute les 1500 élèves, l'établissement atteint le niveau de la grande entreprise.

« C’est une grosse machine », constate Mme Alain.

L’école comme une PME ? La comparaison n’est pas parfaite. L’élève n’est ni un produit, ni un employé, ni tout à fait un client.

Mais les responsabilités et les défis de gestion sont probablement tout aussi imposants.

Pour les affronter, Geneviève Alain, enseignante de français langue seconde pendant 12 ans, a obtenu en 2002 un diplôme d’études supérieures en administration scolaire. « J’ai suivi mon cours pendant que j’étais enseignante et pendant mes deux premières années en poste », raconte-t-elle.

Après deux ans et demi comme directrice adjointe, elle a obtenu un poste de directrice d’école primaire en 2005, puis d’école secondaire en 2011. C’est le parcours habituel. Malgré les 30 crédits de second cycle, le métier s’apprend sur le terrain, souvent sous l’aile d’un mentor.

« On gère n’importe quoi ! », lance Geneviève Alain.

Le matériel, par exemple. « On doit refaire les lignes de plancher du gymnase pour nos équipes sportives. C’est un petit détail, mais on a contacté les ressources matérielles de la commission scolaire, une compagnie est venue. Elle nous a fait une proposition. Je fais le suivi avec mon enseignant responsable en éducation physique. Il faut que je rappelle l’entreprise. Elle va revenir. Voyez-vous, je gère un plancher de gymnase ! »

La semaine suivante, elle déposera son budget prévisionnel : 2,7 millions, sans compter les salaires des enseignants.

« Ce n’est pas rien ! Quand on commence en direction d’école, c’est ce qui nous fait le plus peur : comment on va gérer le budget ! »

— Geneviève Alain, directrice de l’école secondaire des Sources

Durant sa formation, un seul cours a abordé la question.

« On est bien accompagnés, mais au départ, on est des pédagogues ! »

Gestion de personnel

La direction d’une école, c’est « beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de gestion de personnel, de conflits interpersonnels. C’est le cœur du travail », expose David D’Arrisso, professeur adjoint et responsable des programmes professionnels en administration de l’éducation à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal.

Dans un milieu qui a connu sa large part de bouleversements, la résistance au changement prend souvent des allures de bunker en béton armé.

Le directeur de l’école secondaire Père-Marquette, à la commission scolaire de Montréal (CSDM), Martin Lewis, exprime le défi dans une jolie formule : « On doit gérer du capital humain qui doit gérer du capital humain. »

« Les enjeux de communication qui sont reliés à ça sont extrêmement importants, dit-il. S’assurer d’être bien compris, bien interprété, ménager les susceptibilités. S’assurer que le message va passer sans distorsion. »

Vision

« Avez-vous une vision pour votre établissement ? », lance pour sa part Diane Paquette aux jeunes directeurs. Elle dirige l’école primaire Sainte-Bernadette-Soubirous de la CSDM, dans le quartier Rosemont, qui porte fort opportunément le nom de la jeune visionnaire de Lourdes. « Quand on gère une entreprise, on a une vision et des orientations. »

Elle sait de quoi elle parle. Pour financer ses études universitaires, elle avait créé une cabane à sucre sur l’érablière familiale. Ses frères la dirigent encore.

« Dans notre cadre à nous, il ne s’agit pas de faire des profits. C’est plutôt que les finances desservent bien les orientations. En même temps, il faut s’assurer que notre école va être performante sur tous les points. »

— Diane Paquette, directrice de l’école Sainte-Bernadette-Soubirous

« Et performante, ajoute-t-elle, ça veut dire d’abord la mission qu’on doit remplir : améliorer la réussite des élèves. De faire en sorte, en milieu défavorisé, qu’on soit aussi porteurs de justice sociale. »

Un petit campus

L’école Sainte-Bernadette-Soubirous compte 728 élèves répartis dans 3 pavillons.

Le seul secteur préscolaire compte 13 classes. Le service de garde occupe 25 personnes.

« J’ai quand même six conventions collectives, locales et nationales, indique Diane Paquette. Imaginez : mes aides-concierges ne sont pas dans le même syndicat que les concierges ! »

Ce qui apparaît aux yeux du visiteur comme une école typique des années 50 est vu par sa directrice comme une succursale de la chapelle Sixtine.

L’ancienne étudiante en art montre les casiers peints par les élèves sur le thème du cerf-volant de la chanson de Gilles Vigneault (qui a visité l’école), les murales exécutées par un groupe hip-hop, les mosaïques réalisées par les élèves.

Un propriétaire de PME ne serait pas plus fier.

« Le climat de travail est déterminant dans notre gestion », énonce-t-elle, dans un mélange d’enthousiasme, de sensibilité et de détermination.

« On veut que les gens aient un environnement propre, stimulant, un climat intéressant pour faire notre métier. »

Produire de l’estime de soi

Diane Paquette réfléchit depuis longtemps à l’essence de son métier. « On ne produit pas un bien matériel. On produit de l’estime de soi. Ce n’est pas de l’argent, mais ça aura certainement des retombées économiques. »

Elle a ouvert sur son bureau l’ouvrage Gérer (tout simplement) d’Henry Mintzberg, annoté et garni de marque-pages. La gestion d’une école est une affaire sérieuse.

Mais on remarque aussi des objets qu’on trouve rarement dans le bureau d’un PDG : des peluches de tous types, dont une mignonne pieuvre violette déposée sur un coin du radiateur.

« Quelquefois, on a des enfants qui ont certains troubles de l’attachement », explique-t-elle.

« Parfois, il faut les calmer, aussi. Il y en a qui vivent des choses pas faciles. »

L’école est bel et bien une PME.

PME comme dans « Pour Mes Élèves ».

Quelques notes au tableau

L’école des directeurs

Depuis 2001, le ministère de l’Éducation exige la réussite de 30 crédits pertinents à la gestion dans le domaine scolaire, dans les cinq ans qui suivent l’obtention d’un contrat de direction. La plupart des universités ont mis sur pied des diplômes d’études supérieures spécialisées en gestion scolaire (DESS).

Les premiers programmes pour direction s’étaient inspirés des MBA.

« Avec le temps, les résultats scientifiques ont eu tendance à montrer que les directions qui étaient le plus efficaces étaient celles qui intervenaient plus efficacement pour améliorer les pratiques enseignantes, donc qui assumaient un rôle pédagogique plus clair »

David D’Arrisso, professeur adjoint et responsable des programmes professionnels en administration de l’éducation à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal

Plus de femmes, plus jeunes

« Auparavant, on avait l’image classique de l’enseignant, habituellement un homme, qui était à la fin de sa carrière et qui assumait un poste dans la cinquantaine. Mais le portrait a passablement changé, ne serait-ce que du point de vue du sexe : les directions sont maintenant des directrices. »

David D’Arrisso, professeur adjoint et responsable des programmes professionnels en administration de l’éducation à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal

DESS en leadership et gestion des établissements scolaires (Université de Montréal, printemps 2017)

226 étudiants actifs

29,2 % hommes

70,8 % femmes

39,6 ans d’âge moyen

Source : David D’Arrisso

Les femmes en éducation

77,6 % en enseignement

64,5 % en direction

(Commissions scolaires, 2013-2014, écoles primaires et secondaires, formation générale des jeunes)

Source : Statistiques de l’éducation, édition 2015 (publication 2016)

Salaire

« L’écart entre le salaire maximal des enseignants et une direction d’école est d’environ 8 %. Avec le niveau de responsabilité, on a de la difficulté à trouver des enseignants d’expérience qui vont vouloir devenir directeurs d’école. »

Lorraine Normand-Charbonneau, présidente de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement

Échelles de traitement en 2017-2018

Enseignant : 40 578 $ (échelon 1) à 78 992 $ (échelon 17)

Direction adjointe : entre 85 801 et 92 130 $, selon l’effectif scolaire

Direction d’école : entre 92 130 et 125 989 $, selon l’effectif scolaire

Sources : ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et Secrétariat du Conseil du trésor

Une journée typique

« Le plus complexe, c’est la gestion de soi : gérer son temps, s’assurer qu’on a priorisé les bonnes affaires »

— Martin Lewis, directeur de l’école secondaire Père-Marquette de la CSDM

Une journée typique ?

Il décrit celle de la veille, 25 mai 2017.

– 7 h 45 à 8 h 10 : accueil des élèves

– 8 h 15 : retour des appels téléphoniques, réponse aux courriels

– Rencontre avec une directrice adjointe à propos de trois élèves surpris à consommer

– Rencontre avec la gestionnaire administrative pour les feuilles de vacances

– 9 h 40 : rencontre avec un enseignant à propos de sa gestion de classe

– 11 h 10 : préparation des réunions qui se tiendront en après-midi.

– Dîner : lunch et discussion au McDonald’s avec une directrice adjointe

– Retour au travers du parc : interventions diverses auprès des élèves

– 13 h 45 : Table des intervenants, avec bilan des comités cliniques sur les difficultés d’élèves

– 15 h : Conseil enseignant, information sur le bilan précédent

– 17 h : retour avec les adjoints sur les réunions de l’après-midi

– « Et ensuite, il fallait que je fasse le ménage de mon bureau, parce que j’accueillais un journaliste le lendemain. »

Concurrence et marketing

Martin Lewis en est fermement convaincu : l’école secondaire Père-Marquette, dans le quartier Rosemont, est la plus belle de Montréal. Par une fenêtre de sa cafétéria, il montre le terrain de soccer, le grand parc urbain, le mont Royal qui se découpe en arrière-plan.

« On n’a rien à envier à l’école privée, en termes d’installations et de services », dit-il.

La remarque n’est pas anodine. Sur le marché montréalais, les écoles sont en concurrence – encore une ressemblance avec les PME.

Sans les moyens d’investir en publicité, le meilleur argument promotionnel demeure la visite des lieux. En septembre, l’école Père-Marquette ouvre ses portes aux parents du quartier. « C’est une soirée à saveur marketing, précieuse et très prisée », indique-t-il.

Éducation

L’humain, d’abord, partout, toujours

« Ils sont beaux, hein ? », lance le directeur Dany Tremblay, aussi fier qu’attendri, en passant devant une classe de maternelle.

L’école primaire Cardinal-Léger, dans l’arrondissement de Saint-Laurent, est peuplée à 99 % d’enfants d’origine étrangère.

Afrique, Asie, Europe, Amérique centrale : aucune dissonance dans ce petit concert des nations, assure-t-il.

« On a beaucoup d’élèves de Côte d’Ivoire. Les voir manger leur premier flocon de neige ! »

En cet après-midi de juin, les 850 élèves sont en classe.

Soudain, il s’avance, courroucé : « Va-t’en de là, toi ! » Le fautif est un écureuil qui voulait se servir dans le potager aménagé près d’une entrée latérale de l’école. Les caissons en bois remplis de terreau et le portique de même essence qui encadre l’allée sont les premières traces de son grand projet : la création d’un village dans son école.

Dans le plus petit des deux gymnases, des élèves de première année en pleine course nous ont aperçus.

– Bonjour, Monsieur Tremblay, bonjour !

Les élèves n’ont pas peur de leur directeur, explique le destinataire de ces joyeuses salutations.

Sur un mur de son bureau, il a épinglé une bande dessinée en six feuillets, bien divisés en cases. C’est l’œuvre que lui a donnée un élève autiste, qui lui explique ainsi en quoi consiste son état.

Les élèves viennent à lui parce qu’il va vers eux.

Dans une alcôve, trois grands livres sont déposés. Ils contiennent les histoires qu’il lit dans les classes de première et deuxième années.

« Les élèves me demandent : quand allez-vous nous raconter la suite ? »

L’humain, d’abord.

La routine ? Quelle routine ?

Dany Tremblay accueille souvent des enseignants qui s’interrogent sur une carrière en direction. De quoi leur parle-t-il ? De la réalité. Il consacre au travail en moyenne de 45 à 50 heures par semaine. « En début d’année, ça va être une soixantaine d’heures par semaine, des samedis ou dimanches matin… »

Il leur parle aussi de ce qu’il considère la qualité essentielle du gestionnaire scolaire : l’empathie.

Mais il ne réussit jamais à offrir à ses visiteurs une journée typique – à moins que l’atypisme soit justement la norme. « J’ai eu une petite fille qui est arrivée dans mon bureau en pleurant avec son chien dans les bras, raconte-t-il. Elle s’était enfermée en dehors de sa maison. Le chien a passé la demi-journée avec moi dans mon bureau. »

« C’est un travail exigeant, à cause des décisions. L’élève est au cœur de toutes les décisions que je prends. »

— Dany Tremblay, directeur de l’école primaire Cardinal-Léger

À la demande de son enseignant en musique, il a acheté des guitares. Sur un mur de son bureau, il a épinglé une silhouette de guitare découpée dans le carton, où apparaissent des centaines de petites signatures. Les élèves le félicitent pour cet investissement – plus précisément, ils lui disent merci.

« Comment va ma sœur ? »

Une femme de 25 ans arrive un jour au secrétariat de l’école, en pleurs.

« Elle vient chercher sa petite sœur de sixième année », raconte le directeur.

La petite sœur survient, aperçoit sa grande sœur, et éclate en sanglots aussitôt.

« Ce sont des Asiatiques et elles se parlent en chinois. »

– Qu’est-ce qui se passe ? demande-t-il.

– Ma mère est en train de mourir à l’hôpital, et on ne sait pas si on va arriver à temps à l’hôpital pour lui parler.

La jeune femme n’est pas en état de conduire sa voiture, juge-t-il. Il lui offre de prendre les clés et de les amener à l’hôpital.

« On est arrivés deux minutes trop tard, dit-il, la gorge nouée. Oui. »

La famille lui a demandé de demeurer dans la chambre, pendant que le drap sera rabattu sur la tête de la défunte. Pour les communautés étrangères, un directeur d’école est un personnage important.

« Cette semaine, j’ai encore la grande sœur qui me texte : comment va ma sœur ? Je lui ai répondu : ça va bien. »

De l’humain, partout.

Grands et petits budgets

Dany Tremblay gère un budget de 1,7 million, auquel s’ajoutent les 3,7 millions de salaires des enseignants.

Il a peu de latitude avec les grandes dépenses, mais chaque petite a un gros impact.

À l’échelle d’une année, l’ajout de 15 minutes quotidiennes de service de garde lui coûte 5000 $.

Une grosse somme ? Tout est relatif.

Mme B, une immigrante récente, avait accumulé un retard de 2000 $ dans ses paiements au service de garde.

« Elle n’est pas capable de payer parce qu’elle n’arrive pas, monoparentale avec ses trois enfants dans un sous-sol, narre Dany Tremblay. Elle me dit qu’elle va faire tout son possible parce qu’elle fait des ménages entre ses traitements de chimiothérapie. »

Elle était atteinte de cancer.

« Je l’ai rencontrée dans mon bureau et je lui ai dit : Mme B, ne vous cassez pas la tête avec l’argent pendant vos traitements. Je vais trouver ces sous-là avec des donateurs. »

— Dany Tremblay, directeur de l’école primaire Cardinal-Léger

« En décembre dernier, je suis allé lui porter son panier de Noël et je l’ai prise dans mes bras. Elle est décédée deux mois plus tard. »

Il n’y a ni morale ni leçon, ici. De l’humanité dans la gestion, simplement.

« Tout cet aspect financier, je crois que ça a dû la soulager, quelque part. »

De l’humain, toujours.

Éducation

Des trucs utiles

Quatre expériences de gestion scolaire qui pourraient être utiles aux PME.

Dany Tremblay

Investir dans l’accueil

Il y a quatre ans, les nouveaux élèves en provenance d’Afrique, dont une importante proportion de Côte d’Ivoire, arrivaient à l’école Cardinal-Léger sans aucune préparation.

Ils accompagnaient leurs parents au secrétariat pour l’inscription, puis entraient en classe deux jours plus tard.

« Le jeune s’assoyait en classe, et l’année scolaire commençait », décrit le directeur Dany Tremblay.

Un jour, un nouvel élève d’origine africaine a pris son plateau à la cafétéria et s’est accroupi au sol pour manger, sous le regard étonné des surveillants et des élèves.

« On s’est demandé : comment a-t-on accueilli cet enfant dans notre école ? »

Dany Tremblay a alors instauré un programme d’accueil.

Avant la rentrée, un enseignant est libéré une demi-journée pour faire visiter l’école au nouvel arrivant, lui montrer sa classe, lui expliquer les usages, le rassurer. « Pendant ce temps, un membre de la direction rencontre les parents pendant une heure : comment fonctionne le système scolaire québécois ? Quelle communication doivent-ils avoir avec la direction ? »

Les résultats ne se sont pas fait attendre.

« Les enfants s’adaptent beaucoup mieux à leur milieu. Ce qui fait en sorte qu’on mobilise moins d’adultes, de psychoéducatrices par la suite pour cet enfant-là. Mais ça coûte des sous, libérer l’enseignant. Pour moi, c’est un investissement extraordinaire. »

Geneviève Alain

Une règle inapplicable n’est pas bonne

9 h 10. Les autobus ont dégorgé leurs élèves à l’école secondaire des Sources. Brouhaha dans les corridors. Plusieurs élèves ont leur téléphone à la main.

Au passage, la directrice Geneviève Alain commente. « C’est un autre défi, dans nos écoles, gérer les téléphones, gérer la cyberintimidation. »

Quand elle est arrivée à la direction de l’école, en 2012, les élèves ne pouvaient pas utiliser leur cellulaire à l’école.

« Mais ils l’avaient tous dans leur poche. J’ai dit non. Si on met une règle, c’est parce qu’on est capables de l’appliquer. Si on n’est pas capables, c’est parce que la règle n’est pas bonne. Maintenant, ils ont droit au téléphone, vous l’avez vu. Mais pas en classe. »

Souplesse quand les conséquences sont négligeables, rigueur au bon endroit.

Martin Lewis

L’art d’intervenir

Les décisions les plus difficiles ? « Quand on a le sentiment d’être placé entre l’arbre et l’écorce », répond Martin Lewis, directeur de l'école Père-Marquette.

Il donne l’exemple d’un problème en classe. « On a d’un côté l’enseignant qui veut être supporté, mais on a aussi l’élève qui sent le même besoin. Il faut essayer de concilier et de faire en sorte que les deux se sentent respectés. »

« Il faut qu’on amène l’élève à s’exprimer, à avoir confiance dans le milieu. En parallèle, ça peut impliquer de faire cheminer le personnel impliqué. »

Cheminer ? Délicate formule.

Comment intervenir auprès de professionnels compétents, qui sont largement autonomes dans leur classe ?

« Il faut qu’on attache nos interventions à un principe, une raison, une explication qui va partir de nos principes ou de nos valeurs, valeurs qui peuvent être professionnelles », indique Martin Lewis.

« Mais je ne veux pas faire une intervention parce que je suis le boss. Je veux faire une intervention parce qu’elle est attachée pédagogiquement à des lectures, à des discussions qu’on a eues préalablement. »

Diane Paquette

Faire la preuve

L’école Sainte-Bernadette-Soubirous avait instauré des mesures d’aide aux devoirs en recourant à du personnel externe, dont l’utilité était contestée par certains enseignants. Quelle était la compétence de ces personnes ?

« J’ai passé des sondages, autant auprès des enseignants, des enfants, des parents, des gens qui travaillaient aux devoirs, pour sortir des statistiques, explique la directrice Diane Paquette. On a démontré que finalement, ça allait bien, notre aide aux devoirs. »

Les résultats de l’analyse ont été présentés aux enseignants, qui ont accepté de maintenir l’aide.

Bref, il est plus facile d’établir ou de maintenir une mesure quand son utilité est soutenue par des faits.

« En entreprise, c’est ce qu’on doit faire, souligne Diane Paquette. On va faire des études de marché. On veut savoir si la réponse sera là pour notre investissement. En éducation, c’est la même chose. »

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