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Le nombre de sans-abri grossit à Montréal

L’accès au logement est montré du doigt

L’accès au logement et l’accompagnement des personnes itinérantes à leur sortie de la rue sont les principaux besoins ciblés par un premier dénombrement national sur l’itinérance, effectué en avril 2018 et rendu public hier. À Montréal, la hausse observée de 8 à 12 % du nombre de personnes sans abri, depuis 2015, serait la conséquence de la hausse des loyers, croit le chercheur à la tête de l’étude, Éric Latimer.

Les résultats du dénombrement fixent à 5789 le nombre de personnes dans la rue au Québec ; il ne s’agit cependant que d’une estimation visible de cette population.

Les Inuits sont la population le plus à risque de se retrouver dans la rue, suivie par les autochtones. Les personnes non hétérosexuelles se retrouvent également surreprésentées.

Les résultats de ce dénombrement permettent de prendre une photo de l’itinérance visible à un moment précis, mais ne peuvent évaluer les personnes hébergées temporairement chez des connaissances ou celles qui demeurent dans une maison de chambre. Le nombre de femmes, dont la proportion est évaluée à 26 %, pourrait d’ailleurs être sous-représenté, par exemple dans des cas où elles exercent le métier de travailleuse du sexe.

La priorité : le logement

Le besoin le plus criant déterminé par les personnes à la rue est l’accès à un logement, souhaité par 53 % des sondés, devant l’obtention d’un emploi (37 %) et de soins mentaux (35 %) et physiques (34 %).

L’accès à des logements à prix modiques ainsi que des fonds afin d’accompagner ceux qui sortent de la rue demeurent la clé, croient Aubin Boudreau, président de l’Accueil Bonneau, et François Boissy, son homologue à la Maison du Père. Les personnes accompagnées lorsqu’elles s’installent dans un nouveau logement y demeurent dans 92 % des cas.

« La Ville de Montréal aura besoin d’aide pour trouver des solutions et contrer cette situation inacceptable. »

— Valérie Plante, mairesse de Montréal, réagissant à l’augmentation du nombre d’itinérants

Montréal a promis de construire 6000 logements abordables d’ici 2021, dont 950 destinés aux personnes en situation d’itinérance.

Causes de l’itinérance

Ce sont la toxicomanie et la dépendance qui ont été cernées comme causes premières de la perte de logement des personnes à la rue, notées par les répondants dans 27 % des cas.

L’incapacité de payer le loyer, un conflit avec son conjoint ou encore un problème de santé mentale sont fréquemment évoqués pour expliquer la perte d’un logement.

La perte d’un emploi serait corrélée à la perte d’un logement dans 11 % des cas.

financement ardu

Trente millions de dollars ont été budgétés par le gouvernement caquiste pour aider les organismes communautaires. À cela s’ajoute une somme identique investie par le ministère des Affaires municipales, a rappelé la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann. Cela représente une augmentation d’environ 5 % du montant auparavant remis aux 4000 organismes québécois.

Les enveloppes allouées ne sont qu’une partie de ce qui serait nécessaire, croit Laury Bacro, coordonnatrice du Réseau solidarité itinérance du Québec. « C’est une bonne nouvelle, mais les besoins des organismes communautaires, c’est 475 millions. On est à 70 millions d’aide au total. Il reste du chemin à faire », affirme-t-elle.

« Ces annonces demeurent floues », commente M. Boissy, de la Maison du Père, un centre d’hébergement.

criminalisation des sans-abri

Près de la moitié des personnes itinérantes sondées ont également affirmé avoir été en contact avec des policiers dans le cadre d’une arrestation, d’une fouille ou à cause d’une contravention. La moitié moins, soit 25 %, affirment avoir été en contact avec un policier car celui-ci souhaitait leur venir en aide.

La criminalisation des personnes itinérantes est plus marquée lorsque celles-ci dorment dans la rue et y passent le plus clair de leur journée, mentionne M. Latimer. Lorsque les personnes itinérantes fréquentent des ressources d’hébergement, le nombre d’altercations avec la police tend à diminuer, explique le chercheur.

prévention

Le portrait dressé des personnes en situation d’itinérance rappelle l’importance de la prévention, affirme M. Latimer, à la tête de l’étude. La pluralité des parcours qui mènent à la rue exige des réponses plurielles à cette problématique.

Chez les plus jeunes, le milieu familial semble jouer un énorme rôle.

« La moitié des gens dans la rue de moins de 30 ans ont été dans un centre jeunesse six mois ou plus. »

— Éric Latimer, chercheur à la tête de l’étude

Du côté des centres d’hébergement, le discours est similaire et unanime : il faut faire un travail en amont. Dans 29 % des cas, les personnes recensées ont vécu leur premier épisode d’itinérance dans la dernière année, signe d’une précarité récente.

Pour la suite…

Québec poursuivra son travail d’enquête afin de brosser un portrait complet de l’itinérance qui devrait être finalisé en 2020. Le prochain volet de la collecte de données se penchera sur les lits d’urgence et la transition vers les ressources d’hébergement.

« Il faut bien connaître la situation avant d’y apporter une solution concrète », mentionnait la ministre McCann en début de conférence de presse. Des solutions concrètes, il en existe, croit M. Latimer, qui décrit certains exemples de réussite dans les villes d’Edmonton et de Calgary.

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