Québec attribue plus de pouvoirs aux pharmaciens
Un projet de loi leur permettra notamment de prescrire et d’administrer des vaccins
QUÉBEC — La ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, attribue des pouvoirs accrus aux pharmaciens. Ils pourront, par exemple, prescrire et administrer des vaccins, en vertu d’un projet de loi qu’elle a déposé à l’Assemblée nationale, hier.
Les pharmaciens pourront également, « en situation d’urgence », prescrire certains médicaments. Ils auront le pouvoir de le faire pour tous les produits en vente libre, en toutes circonstances. Bien que ces derniers soient vendus sans ordonnance, les nouveaux pouvoirs des pharmaciens permettront « d’éviter des consultations médicales inutiles, soit pour des raisons économiques, dans les cas des clientèles vulnérables qui bénéficient de la gratuité dans le régime public, ou pour répondre aux exigences des services de garde », fait valoir le gouvernement.
Les pharmaciens auront le droit d’ajuster et de prolonger les ordonnances de tous les prescripteurs, et pas seulement celles des médecins. Ils pourront prescrire et interpréter des analyses de laboratoire, mais également tout autre test aux fins de suivi d’une thérapie comprenant des médicaments.
Le projet de loi prévoit que les pharmaciens pourront « évaluer la condition physique et mentale d’une personne dans le but d’assurer l’usage approprié des médicaments ».
« Abolir » des tarifs
C’est « un pas en avant pour l’accès aux soins de santé des patients », selon l’Ordre des pharmaciens du Québec. Il rappelle que les pharmaciens québécois étaient les seuls en Amérique du Nord à ne pas avoir l’autorisation d’administrer des vaccins.
Pour l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP), le projet de loi constitue « un pas dans la bonne direction ». « Par contre, certaines mesures devront être mises en place pour assurer le succès de ce projet », a insisté son président, Jean Thiffault.
Il demande au gouvernement d’éliminer « la barrière majeure » que constituent les frais qui seront imposés aux patients pour ces nouveaux actes cliniques. « Comme pour un médicament, il faut facturer une franchise et une coassurance. Je suis obligé de réclamer certains frais pour une consultation, soit pour le même service qu’une personne aurait obtenu gratuitement chez le médecin ou auprès d’un GMF avec une infirmière. Si on veut améliorer l’accès, ces tarifs, il faut les abolir. »
Le gouvernement prévoit la gratuité en pharmacie uniquement pour « les vaccins couverts par le Programme québécois d’immunisation, comme c’est déjà le cas en CLSC et en clinique ». La vaccination contre la grippe sera également sans frais « pour les clientèles vulnérables qui se qualifient pour ce programme », ajoute-t-il.
Rémunération à revoir
Pour que le projet de loi soit mis en œuvre, Québec doit négocier une entente financière avec les pharmaciens, afin de fixer les tarifs qui leur seront payés pour ces nouveaux actes, par exemple. L’AQPP rappelle d’ailleurs que l’élargissement du champ d’action des pharmaciens nécessitera « une réorganisation de leurs opérations et l’ajout de ressources ». Leur mode de rémunération doit être revu. « Ça fait deux ans qu’on négocie, et ça traîne un petit peu, malheureusement », a indiqué M. Thiffault.
De son côté, l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec salue le dépôt du projet de loi 31, mais réclame que la ministre en fasse davantage pour donner plus d’autonomie et de pouvoirs à ses membres.
Longtemps réfractaires à céder certains pouvoirs, les médecins « reconnaissent cette avancée qui permettra de faciliter l’accès aux soins de santé ». « Ces changements législatifs s’inscrivent dans l’évolution des pratiques interprofessionnelles », a ajouté le président du Collège des médecins, Dr Mauril Gaudreault.
Il y a quelques semaines, la ministre McCann avait également annoncé son intention d’élargir les pouvoirs des infirmières praticiennes spécialisées (IPS). Elle prévoit déposer un projet de loi cet automne pour que les IPS puissent poser davantage de diagnostics et prescrire des médicaments et des plans de traitement sans avoir à en référer à un médecin.